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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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14 avril 2006 5 14 /04 /avril /2006 11:38

Porter une fille dans ses bras est généralement un tournant dans les relations avec les Chinoises.

Dans un hôtel d’Urumqi, dans la province du Xinjiang, une bagarre avait éclaté, Zhu Lili était venue m’importuner sur mon lit et s’était réfugiée derrière un autre lit de la chambre, roulée en boule comme un hérisson.

N’étant pas d’un naturel joueur, je ne savais trop comment réagir. L’assommer avec un polochon ? Lui faire des chatouilles ? Trop prévisibles, ces activités ne m’amusaient guère, alors je la soulevai comme une grosse pierre. Mais que faire d’une grosse pierre qui s’agite, qui rit et qui crie ? Je la jetai sur mon lit (j’étais tout à fait hors d’idée.) Ce geste élémentaire, à demi barbare, me valut une attention et une tendresse subséquentes que des semaines d’une cour sophistiquée ne m’auraient pas forcément apportées. Surtout que mon malheureux rival, le philosophe Zhang, quelques jours plus tôt, avait échoué à soulever Zhu Lili, trop ivre et trop impressionné par elle, non sans commettre l’irréparable erreur de dire qu’elle était « trop lourde ». Ce fut un point d’inflexion de notre voyage. Zhu Lili ne quitta plus mon lit et abandonna le malheureux philosophe. 

La femme portée est, l’espace d’un moment, totalement livrée à celui qui la porte, à sa merci. Cela détermine des choses au niveau de son cortex cérébral reptilien. Le niveau de confiance qu’elle ressent entre les bras de l’homme détermine un peu la confiance qu’elle lui accordera, à tort, n’en doutons pas. Bien sûr, il y a le symbole : soulever une femme, la lever, lui faire quitter la terre, la rapprocher du ciel, etc. Mais il y a surtout le déséquilibre réel, concret, le liquide lymphatique qui se trouble, une perte de stabilité qui provoque une décharge soudaine d’hormones de survie. Les médecins disent que les hormones de survie sont les mêmes que les hormones du désir (il y a des médecins qui le disent.)

Sur un terrain de sport, un soir que Neige et moi marchions tendrement, je fus pris d’un instinct de romantisme archaïque et la pris dans mes bras. Je marchais quelques mètres, et ces mètres furent cruciaux : Neige m’embrassa soudain avec fougue et, pour la première fois, m’offrit sa langue qu’elle avait tenue protégée jusque là par un rempart de dents inexpugnable.  

 

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