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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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28 juin 2005 2 28 /06 /juin /2005 00:00

J'avais eu droit à un concert privé de Guzheng lors de mon anniversaire, en mars dernier. Une collègue avait apporté son instrument chez moi et avait invité son professeur, une étudiante en musique, à jouer pour mes amis et moi-même. Le son de cette cithare me fascina, les modulations qui s'en dégagent créent une atmosphère de méditation et de folie sourde. Quelque chose de lent, qui endort votre attention présente et vous fait voyager. Les accélérations de la musicienne font alors tout déraper, et, au lieu de vous réveiller, vous font glisser en dedans. Son visage avait la gravité d'un enfant, son sourire lors des applaudissements était aussi celui d'un enfant. Non, ce n'est pas le mot, mais quel est le mot ?

Je profitais du fait d'être français pour l'embrasser et l'engageai sur-le-champ comme professeur. On irait acheter un guzheng le samedi suivant.

Zhong Li ne manque ni de charme, ni de douceur, ni d'autorité. Ses conseils sont simples et pratiques mais le voyageur ne peut qu'y voir une philosophie du geste et une prégnance du sexe. Elle me demande simultanément d'accomplir deux choses qui me paraissent contradictoires et qui pourtant semblent bien être à la source du bonheur terrestre et de l'extase matérielle. Je dois dans le même temps décontracter mon bras, éviter de le raidir, et attaquer la corde avec plus de puissance. Elle fait le geste, elle me montre son bras tout amolli, sa main comme feuille morte, et de sa main gauche elle montre quelque chose comme une décharge d'énergie qui vient de l'épaule, qui descend le long du bras pour exploser dans un geste sec d'un doigt. Elle parle d'une goutte d'eau qui roule et qui éclate. Pour que le son soit juste et ample, il faut que le membre dans son ensemble soit au repos et soit capable de laisser circuler la force. Fréquemment, elle me rappelle à l'ordre, tantôt en souriant, tantôt en fronçant les sourcils, et je ne peux cacher mon trouble : il n'est que trop évident qu'elle pourrait me donner les mêmes leçons au lit. Vas-y plus fort ici, soit plus doux là. Les hommes ont souvent tendance à se croire puissants quand ils ne sont que durs, et doux quand ils ne sont que mous. Inutile de chercher plus loin ce que la Chine aura pu apporter au voyageur amoureux. Une voie de sagesse oubliée qui enseigne l'équilibre entre la mollesse et la dureté, dans le but d'atteindre une plénitude, à la fois monotone et envoûtante.

Faut-il aussi parler de la main gauche ? Son rôle se borne à appuyer sur les cordes pour les faire varier de sonorité. Suis-je obnubilé ? La manière dont la main doit faire trembler la corde me paraît obscène. Quand je voyais jouer Zhong Li, cela n'était que musique et beauté classique, mais quand elle m'enseigne ce geste, j'ai l'impression d'apprendre à branler un clitoris. Je ne peux m'empêcher de rougir, et sa main sur la mienne pour imprimer le mouvement ne fait rien pour calmer mes esprits.

Nous nous prenons souvent la main, soit pour des raisons de pédagogie, soit pour attirer l'attention de l'autre, soit pour remercier, soit pour féliciter, soit pour nous protéger.

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