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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 09:54

Nankin-2.jpg

 

 

En Chine pour revoir mes amis, j'en profite pour faire des reportages radio.

 

Ou plutôt non, c'est l'inverse. En Chine pour faire des reportages, j'en profite pour revoir mes amis. Et retourner sur des lieux aimés.

 

Dans la Montagne Pourpre et Or, à l'ouest de Nankin, j'interviewe Neige qui répond à mes questions avec beaucoup d'aisance et sans manières. En particulier, elle parle de son travail d'écriture francophone, de ses blogs, de ses lecteurs et des passions qui l'ont conduite à écrire. Je suis ravi d'avoir enregistré ces sons, car j'étais persuadé qu'elle allait refuser, prétextant qu'elle ne voulait pas être sur le devant de la scène, qu'elle ne voulait plus entendre parler de ces blogs, etc.

 

Elle dit qu'elle n'écrit plus car elle est mariée et qu'elle a un enfant.

 

Ecrivain, c'est donc un métier de célibataire ? Neige rit. Elle dit oui, en quelque sorte. Je ne me souviens plus exactement des mots qu'elle a employés, ça m'avait fait rire. Il faut que je réécoute mes fichiers audio.

 

Nous passons devant un temple en hommage à un grand lettré du VIe siècle. Plus loin, un autre jardin abritant une forêt de stèles en mémoire d'un des plus grands calligraphes de l'histoire. Neige en profite pour prendre furtivement quelques photos.

 

Un juste retour des choses : je prends des sons de sa voix, elle prend des images de moi. C'est le reporter reporté.

 

Nankin-1.jpg


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12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 00:00

Le temple a été reconstruit récemment. Comme d’autres bâtiments, comme la cabane de Du Fu à Chengdu, il a été détruit souvent et souvent reconstruit. Les Chinois sont moins des bâtisseurs que des reconstructeurs. Détruire constamment leur permet de mettre en œuvre leurs prodigieuses capacités d’imitation et de répétition.

Le temple est en hauteur et est battu par les vents. Les gens de la région le connaissent surtout pour les prophéties et divinations qu’on vient entendre. Léa, la petite amie de Serge, y a déjà pris connaissance de son avenir : tout était mauvais, le boulot, l’amour, tout était promis à un échec retentissant. Heureusement qu’on ne croit à ces choses-là que lorsque cela nous arrange.

Le brouillard était d’une densité rare. Dans une cour, où je ne voyais que le contour d’un petit kiosque, je crus voir une forme humaine, ou un fantôme, partir obliquement vers la montagne.

                                                    

Dans la première cour centrale, les visiteurs achètent de gros bâtons d’encens, l’allument dans la salle des bougies, où les gens pleurent à cause de la fumée, prient devant une pagode et jettent leur encens dans une grande chaudière sacrée. De la fenêtre de la chaudière, le voyageur se réchauffe à la belle lumière du feu qui, si le voyageur vivait au Moyen âge, se confondrait, à ses yeux, avec l’enfer.

                                         

Plus poignants encore sont les laïques qui apprennent à prier aux nouveaux venus. Bien emmitouflés, ils guident les nouveaux fidèles du geste et de la voix. Ils assurent la relève et la survie d’un rituel que les gens ont oublié, à moins qu’il n’y ait des gestes spécifiques aux lieux mêmes de Mao shan.

                                                         

Dans les temples en enfilade commencent les files d’attente pour se faire lire l’avenir. Comme dans certaines administrations, on fait patienter les clients en les dirigeants vers plusieurs fonctionnaires qui remplissent divers papiers, ce qui a pour effet de donner l’illusion d’agir et de réduire le stress. Ici, le fidèle a affaire à deux bureaux, où officient des moines aux chapeaux pleins de dignité. Au bureau de droite, le fidèle paie vingt yuans, puis tire au hasard un bâtonnet dans un bocal en bois. Le moine regarde le bâtonnet et donne à la place une feuille de papier correspondant. Le visiteur lit, médite, et fait la queue au bureau de gauche pour qu’un autre moine lui donne une interprétation plus compréhensible, et peut-être plus personnelle, de cette prophétie éditée en milliers d’exemplaires. Le moine herméneute s’aide d’un stylo bille et fait son travail avec enthousiaste. Il est entouré d’une foule captivée qui rit à ses plaisanteries. Il est, à l’évidence, la star bonimenteuse de la foire taoïste. (Ceci n’est pas une moquerie gratuite, les abords des temples ont toujours été des lieux de foires, de spectacles ambulants et de marchés.)

                                   

Le moine de droite, en revanche, est atrabilaire et râle quand je le prends en photo. Son rôle n’est pas très prestigieux, il est vrai, d’autant moins que personne ne lui demande d’utiliser ses beaux pinceaux.

                                                       

Non loin, la statue du Dieu Xuanwu présente au public un doigt d’honneur. Le voyageur, s’il provenait directement des banlieues françaises, se tiendrait les côtes, assurément.

En sortant du dernier temple, j’avais perdu Serge. Le brouillard était tel que j’évitais de calculer mes chances de le retrouver. Lui-même était peut-être aussi à ma recherche et nous pouvions tourner dans le temple des jours, ainsi, sans résultats. J’allai dans une galerie couverte qui donnait sur la montagne ; imprégnée par la brume, la solitude qu’on y ressentait était froide et endormante. Un esprit imaginatif, influencé par l’atmosphère ésotérique du lieu, aurait eu de la peine à ne pas se voir transformer en fantôme étranger, en divinité moderne condamnée à errer dans les travées et les pavillons. 

                                                         

Rien ne me disait que je serais en mesure de rentrer à Nankin ce jour-là, ni jamais.

 

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11 mars 2006 6 11 /03 /mars /2006 07:12

Après une nuit à l’hôtel de Mao Shan, une nuit où nous nous sommes fait rouler par le personnel qui, au sous-sol, organise les bains et les massages, nous avons emprunté un chemin dans les bois pour atteindre le temple taoïste. Le temps était frais et la forêt de bambous, sans être inhospitalière, s’est peu à peu avérée être dense et rudement pentue. Il arriva que nous devions nous aider des bambous pour frayer notre chemin, et que mon manteau se couvrit de traînées vertes et brunes. Nous avancions dans le silence et l’incertitude.

                                                           

Nous ne pouvions pas être perdu ; monter au sommet nous apporterait la réponse, quelle que soit la question. Soudain, nous vîmes des détritus par terre. C’était la première fois que des déchets me remplissaient de joie : ils étaient la preuve d’une présence humaine. D’autres que moi, plus cyniques et moins humanistes, diraient que le pot de yaourt, le sac plastique et la bouteille de coke sont les éléments les plus distinctifs entre l’homme et le sanglier. Nous suivions avec joie ces signes d’une surconsommation absurde et dégoulinante. Plus les déchets s’accumulaient, plus notre certitude augmentait de rejoindre la civilisation. A quelques pas au-dessus de nous, un couple de Chinois nous regardait sans commentaire. Ils devaient nous prendre pour des sauvages. Nous-mêmes, interdits dans notre course par la présence tangible d’homos sapiens sapiens qui, on ne sait jamais, avaient peut-être aussi jeté négligemment leur paquet de chips dans la forêt de bambous, nous les considérions du regard. Nous étions quatre, deux européens et deux Chinois, et nous nous jaugions. Etions-nous plutôt ennemis ou plutôt amis dans la circonstance ? Nous commentions la couleur de leur peau et leur accoutrement ; ils restaient silencieux et attendaient vraisemblablement notre prochain mouvement. Nous continuâmes notre marche en leur direction, ce qui les fit déguerpir.

Nous longeâmes le mur de l’enceinte du temple et arrivâmes à une entrée, où des étals vendaient des bibelots. Un homme, habillé en moine, proposait de lire l’avenir. C’était gratuit, il suffisait d’entrer dans une guérite et de tirer au sort je ne sais quelle carte. Serge y alla, tira au sort, et l’homme sortit une feuille pliée qui correspondait à la carte de Serge. Une ou deux petites phrases qui indiquaient que irait pour le mieux dans la mesure du possible. Le moine, ou le moine putatif, car un proverbe fameux recommande de se méfier des habits de moine, le moine précisa que c’était un très bon avenir, très bon. Serge remercia et donna quelques sous. Non seulement le moine ne refusa pas, mais il était outré.

« Si peu ?

-Comment ça si peu, dit Serge. Ne m’as-tu pas dit que c’était gratuit ?

-Oui, mais regarde l’avenir que je t’ai donné.

-Tu n’as fait que lire l’avenir, tu n’es pas responsable du fait que j’ai ou non un bel avenir.

-Mais regarde, regarde le bel avenir. Et regarde ce que tu donnes ? 

-Il faudrait savoir si tu influences l’avenir ou si tu interprètes seulement. 

-Comment peut-on interpréter sans influencer ! »

Il fallait partir, cette séance de divination sentait le souffre. Le froid brouillard nous poussa violemment sur les portes d’entrée.

 

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6 mars 2006 1 06 /03 /mars /2006 00:00

Les guides touristiques ne parlent pas de Mao Shan. Mon ami Benoît fut le premier à évoquer ce haut lieu du taoïsme, sur ce blog. Je lui proposais de venir illico à Nankin pour organiser le voyage mais il a tardé à prendre une décision, tout occupé qu’il est par des tâches lucratives et familiales. Sa femme Agathe a aussi remercié, puis décliné l’invitation, on ne peut être plus clair. Alors j’y suis allé, à bicyclette, moins par intérêt pour le taoïsme que pour explorer la campagne du Jiangsu, et pour dire à Ben à quoi cela ressemble.

Mes recherches sur internet ne m’ont pas permis de situer précisément le site, ni de savoir si un bus pouvait m’y conduire. C’est donc à l’aventure que Serge et moi partîmes sur les routes du sud, munis de cartes du Jiangsu et de cartes de la Chine. Non, nous n’avons pas apporté d’atlas mondial.) Serge et moi combinons deux compétences fondamentales et complémentaires. Il lit le chinois, j’ai le sens des randonnées pédestres et vélocipèdes. Il possède la science des signes, moi celle des distances. Il s’intéresse aux langages, moi aux paysages. Cela dit sans forfanterie, car il se goure parfois, et je m’égare assez souvent.

Je tiens à dire tout de suite que les nécessiteux et les paresseux peuvent se rendre à Mao Shan sans louer une voiture ni forcer sur la pédale. Il suffit de prendre un bus de Nankin jusqu’à Jurong, et de là prendre le mini bus pour Mao shan. C’est un jeu d’enfant qui, pour les moins débrouillards et les moins doués en chinois, ne devrait prendre que quatre à cinq heures en tout, de porte à porte.

Nous mîmes sept heures pour atteindre le village de Mao Shan, sept heures pendant lesquelles la chaîne de mon vélo cassa. Serge me tracta sur deux kilomètres, le temps de trouver un réparateur, dans un petit village à l’écart où nous étions l’attraction. Il aurait suffi que nous restions quelques jours là-bas pour qu’on y ouvre des établissements à nos noms. Ils nous prenaient pour des Américains. Les enfants venaient nous voir, nous regardaient manger avec un sérieux tout scolaire. Observez bien les Américains, les enfants, et dites-leur « Rhallo ! »

                                                

Sept heures pendant lesquelles nous visitâmes des serres à fraises, où le producteur vendeur était justement fier de ses succulents fruits rouges et blancs, car s’ils n’avaient pas la meilleure apparence pour des fraises, ils avaient un goût délicieux. Le soleil des mois de novembre, décembre et janvier, avait dû accélérer la pousse et le mûrissement des fruits qui, dans mon souvenir, apparaissent en mai juin en France. En fin d’après midi, vers quatre heures et demie, des paysannes recouvraient les serres intérieures de couvertures de joncs ou de bambous. Les fraises chinoises doivent avoir besoin de nuits noires et longues.    

                                      

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22 janvier 2006 7 22 /01 /janvier /2006 00:00

Il neige à Nankin et je me prépare à partir pour Hong Kong. Quelques jours dans le sud, dans un village de pêcheurs où les voitures ne peuvent accéder. De quoi vous remettre les idées en place. Non que mes pensées fussent désordonnées, mais un peu de tropicalité chinoise n’a jamais fait de mal aux esprits rationnels.

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31 décembre 2005 6 31 /12 /décembre /2005 00:00

Je vis deux jeunes filles monter les escaliers, d’un air assuré, vers la salle de prière. L’une d’elles tenait une bouteille d’huile à la main. La même huile que celle qui est dans ma cuisine. Guidée par un moine, elle versa le contenu de la bouteille dans les « vasques à bougie » (le diable si je sais comment s’appellent ces lampes à huile sacrées.)

                            

Le plus beau se situe derrière le temple, la Falaise des Mille Bouddhas. Depuis le cinquième siècle après JC, des grottes ont été creusées dans la roche, qui abritent des statues de Bouddhas par centaines. Si on ne fait pas attention, on tourne de la petite colline qui se dresse devant soi. Elle seule vaut le déplacement, avec ses sculptures, ses diseurs de bonne aventure cachés dans les grottes, son Bouddha gigantesque datant de plus de mille ans, ses petits escaliers.

                                                  

Mais il ne faut pas oublier d’emprunter le tout petit escalier, sur la gauche, entre la colline et le temple, qui mène à la forêt, un chemin dallé monte en serpentant dans la montagne pour retrouver, plus loin, d’autres grottes, d’autres sculptures, d’autres lecteurs d’avenir. Un moine à la robe jaune surveille tranquillement, assis sur un rocher. Parfois, il saute d’un rocher à l’autre, comme un jeune singe, et prend des poses de bonze en affrontant le vide.

Ici, nous sommes dans un autre monde, un monde de grottes, de cavernes. Les pèlerins montent pour voir tous les Bouddhas, ils montent jusqu’au sommet, d’où ils dominent les environs.

                                                             

Ils peuvent aussi élire leur caverne préférée, celle qu’ils vont fleurir et décorer de fruits, de boîtes de biscuit. Dans ses Mémoires, John Fante raconte comment, enfant, il s’était choisi un Saint, ignoré de tous, un pauvre Saint méprisé que personne ne priait plus. Il pensait que s’il était seul à lui demander de l’aide, le Saint serait touché et redoublerait d’efforts pour intercéder en faveur du futur écrivain. Le voyageur peut rêver à quelque chose d’analogue, sur la Falaise des Mille Bouddhas. On imagine bien un pauvre enfant escalader la montagne et prier devant une minuscule grotte à l’écart de toutes les autres, qui serait un peu la sienne. Si j’étais ethnologue, j’irais demander aux pèlerins si de tels phénomènes sont pensables chez les bouddhistes. 

                                                    

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27 décembre 2005 2 27 /12 /décembre /2005 00:00

Le voyageur ressent de l’émotion en foulant la rue qui mène au site bouddhiste car il y est déjà allé, il y a plus d’un an, avec Serge et une charmante amie chinoise qui, la première, a bien voulu faire goûter au voyageur ce qu’était l’amour Jaune. C’est aussi le lieu où il mangea du chien pour la première fois de sa vie.

                                                         

Visiter les temples bouddhistes aujourd’hui est très réjouissant. On y voit beaucoup de jeunes femmes assez séduisantes prier avec ferveur. Elles portent des jeans moulants, des chaussures à talons, elles marchent avec morgue et se prosternent en exhibant leur joli postérieur. Sauf quand il fait froid, et ce jour-là, à Qixia shan, il faisait froid. Les élégantes n’exhibaient rien d’autres que leur hautaine beauté.

                          

Si j’étais ethnologue, j’enquêterais sur l’identité de ceux qui pratiquent à nouveau les religions, après les années d’interdiction. Il doit y avoir des codes, des choix culturels très amusants. La question : « Pourquoi avez-vous choisi cette religion plutôt qu’une autre (et plutôt qu’aucune religion) ? » doit inspirer des réponses assez similaires à celles de la question : « Pourquoi choisissez-vous d’être supporter d’Arsenal plutôt que de Chelsea ? » posée à un échantillon représentatif de londoniens. En plus d’habitudes familiales, je subodore d’autres types de motivations : le taoïsme pour les vieux et les campagnards, le bouddhisme pour les jeunes et les filles glamour. J’ai la vague impression que les jeunes citadins branchés ont un penchant pour le bouddhisme, penchant qui se nourrit de la vogue pour les voyages au Tibet, dans le Yunnan et le Sichuan, d’où ils reviennent, comme mon copain Mimique, avec des airs mystérieux, prétendant avoir fait des rencontres décisives, s’être déplacés en cheval dans la montagne (ils ne mentent pas : de nombreux Tibétains gagnent de l’argent en offrant des courses à cheval, soit pour porter les sacs, évitant aux touristes de se fatiguer, soit pour porter lesdits citadins, leur évitant de crotter leurs souliers.) Cela ne manque pas d’impressionner les filles qui n’ont pas encore assez d’argent pour y aller et se payer les taxis et les quatre roues motrices qu’utilisent ces nouveaux voyageurs. Petite Biche m’a dit, en me parlant de Mimique, quand il revint du Tibet : « Je crois qu’il s’est amélioré. »

Il n’est pas impossible, non plus, que ceux qui pratiquent tâtent de toutes les religions à disposition, au cas où l’une d’elles marche mieux qu’une autre, du point de vue de la réalisation des souhaits et des prières. Il est probable que les mêmes personnes éclusent tous les temples et brûlent tout l’encens possible, dans un (joyeux) syncrétisme.

Mais je ne suis pas ethnologue et j’attendrai que d’autres travaillent sur cette question. Je ne vais pas passer ma vie à me demander quel type d’obscurantisme les gens préfèrent suivre. Je préfère garder en mémoire, bien vive, l’idée que l’immense majorité des Chinois ne ressent aucunement le besoin de croire en des billevesées créées il y a des siècles.

                                                                   

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26 décembre 2005 1 26 /12 /décembre /2005 08:19

Il faut dire qu’au départ, toutes choses égales par ailleurs, noël m’ennuie terriblement. Comme ma mère rentre en France en début de semaine prochaine, nous irons à l’aéroport par la route buissonnière. Nous nous arrêterons à Zhenjiang et trouverons refuge sur la Colline d’Or. De là, nous aviserons. Mon copain Serge et sa délicieuse petite amie nous accompagneront et, ensemble, nous trinquerons à l’amitié et drinkerons pour oublier que nous ne sommes plus des enfants.

Zhenjiang est une « petite » ville à une heure de Nankin en bus. Un paysage vallonné nous accompagne sur la route. La ville réserve des surprises ; peu de gens, en effet, la connaissent, parmi ceux qui vivent à Nankin. Les parcs, lieux de culte bouddhistes, en général, sont sur des collines qui donnent des vues imprenables sur le fleuve Yangzi.

Nous avons fêté un joyeux noël, tranquillement, autour d’une bonne table, garnie de tofu, de poisson, de boeuf (nous avons failli commander du chien, mais ma maman n'a pas voulu), de plantes, tout en buvant de l’alcool de riz chaud. Le soir, dans l’hôtel, nous n’avons pas eu le loisir de nous faire servir un café ou une bière. La seule activité qui nous était proposée était un karaoké où s’entraînait une employée de l’hôtel, espérant peut-être attirer, de cette manière, quelques résidents, ou au moins quelques êtres humains pour remplir un tant soit peu la grande salle de danse vide.

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26 décembre 2005 1 26 /12 /décembre /2005 00:00

Pour aller au temple bouddhiste de la Montagne Qi Xia, à une vingtaine de kilomètres au nord est de Nankin, le voyageur ne devra pas s’énerver. Il ira à la gare, la belle nouvelle gare ferroviaire au bord du lac Xuan Wu, et de là il cherchera un bus. Il y en a de part et d’autre de la gare. Le mieux, paradoxalement, est de se diriger vers l’ouest de la gare et de demander aux bus sur le départ. Les chauffeurs vous disent qu’ils ne vont pas à Qi Xia Shan et pointent un doigt nonchalant vers une direction qui ne paraîtra pas clairement mener vers le bon bus. Après plusieurs chauffeurs de cet acabit, un chauffeur de taxi abordera le voyageur pour lui proposer de faire la course pour cinquante yuans. Le monastère étant à vingt-cinq kilomètres de Nankin, le voyageur lui demandera s’il ne se fout pas un peu de lui et marchandera sec. La transaction n’aboutira pas, car énormément de transactions n’aboutissent à rien entre les étrangers et les Chinois. Le voyageur continuera et verra un bus qui le conduira pour deux yuans cinquante, en moins d’une heure, au temple bouddhiste le plus grand de la province du Jiangsu. Le bus n’a pas de numéro, et aucun idéogramme lisible par le voyageur ne ressemble à ceux de Qi, de Xia et de Shan ou de Si.

 

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6 novembre 2005 7 06 /11 /novembre /2005 00:00

Je vous assure, les gars, moi je voulais que maman se repose chez moi. Je pensais qu’après Shanghai et Nankin, les changements culturels, tout ça, elle resterait tranquille. C’est qu’elle a la bougeotte, que voulez-vous que je vous dise. Assoiffée de vadrouille, elle voulait bourlinguer encore. Jeudi soir, nous étions invités à manger chez Spring, je lui ai proposé de partir en train de nuit après le repas, si elle voulait vraiment. Le lendemain, à Tunxi, on trouverait un bus tape-cul pour nous mener dans des villages reculés de la province du Anhui qui, dit-on, sont superbes. Elle pourrait y trouver un logement au petit bonheur la chance. Moi, je rentrerais à Nankin par le train de la nuit suivante.

Franchement, les gars, je pensais qu’elle déclinerait cette offre, qu’elle trouverait cela un peu précipité, limite dangereux et, pour le moins, parfaitement inorganisé. C’est mal la connaître, d’un bond elle se mit à faire son sac à dos.

Nous dormîmes comme des bébés dans le train, et prîmes le premier bus qui partait Dieu sait où. Sur le chemin, nous vîmes où nous allions. Le hasard avait bien fait les choses : nous nous acheminions vers les plus beaux villages du Wannan. Au bout d’une heure et demie de route, le bus s’arrêta devant un minibus et le chauffeur nous annonça que ce dernier allait à Hong Cun. Nous nous sommes dit pourquoi pas Hong Cun. Je vous demande de vous mettre à ma place, qu’auriez-vous fait ? Qu’auriez-vous répondu à cette question improbable : pourquoi pas Hong Cun ?

Nous avons bien fait de ne pas réfléchir, nous sommes arrivés à l’entrée d’un village enchanteur. Un ensemble urbain d'un autre siècle entièrement conservé, préservé de la révolution culturelle par son éloignement et par des ruses des habitants qui cachaient les murs et les bas-reliefs par des portraits de Mao et des slogans officiels barbouillés sur des tissus.

Le village était pris d’assaut par des artistes, des écoles de beaux-arts déversaient les apprentis par groupes entiers qui passent de longs week-ends à copier les infinis détails architecturaux des maisons gothiques de marchands de sel du temps jadis. Difficile, pour moi, d’identifier une époque, un siècle de construction. Je doute seulement que cela date d’avant la dynastie des Qing (je crois ne pas prendre trop de risque, mais on ne sait jamais.)

Nous avons abordé le village selon une technique que j’ai mise au point après de nombreuses lectures de traités militaires : nous en avons fait le tour, nous l'avons encerclé, avons d’abord marché dans la gadoue, entre les champs et les petites propriétés périphériques, dans des ruelles moins touristiques, et nous avons circonscrit le centre ville par tours concentriques, découvrant petit à petit les merveilles, plutôt que de plonger dedans et d’être dépassé par elles.

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Avant même d’avoir vu le plus sensationnel, maman déclara vouloir séjourner ici. J’abordai une femme qui tricotait des pantoufles d’un rare mauvais goût et lui demandais où il était possible de se loger. Elle ne me comprit pas et appela une amie à la rescousse. L'amie me comprit parfaitement, passa un coup de fil et nous accompagna vers une autre femme qui se chargea de nous emmener chez elle, où quelques chambres accueillent les voyageurs. Ce n’était pas un hôtel, plutôt une pension de famille, dont les chambres donnent sur une cour intérieure éclairée, le soir, par des lanternes rouges. Le prix qu’elle proposa, à la tête de la cliente, fut tellement raisonnable qu’il fut accepté d’emblée, sans marchandage. L’hôtesse, une belle femme de quarante ans, énergique, qui tient la maison avec son mari, un couple d’employés et son père qui vend les livres qu’il a écrit sur les villages environnants, s’inquiétait un peu de ce que sa nouvelle cliente ne parlât pas chinois. « Je sais bien, lui dis-je, c’est elle qui veut partir au bout du monde, si ça ne tenait qu’à moi, je la ramènerais aussi sec… » Elles se sont souri, en sont venus à l’idée qu’elles communiqueraient par gestes. Il fut convenu, malgré tout, que le coût du séjour serait réglé par avance, avec dix yuans de supplément, pour des raisons obscures. Bref, voilà mon aventurière de mère, seule dans une région rurale de Chine.

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Sachez juste que c’est un des plus beaux endroits de la terre, presque aussi beau que Venise, par endroits. Un système d’irrigation baigne les ruelles d’une eau courante transparente, dans laquelle les femmes lavent le linge et les légumes. Au centre du village, un étang intérieur, en demi-cercle, symbolisant l’estomac d’un buffle (toute l’eau du village a pour fonction de symboliser le buffle, c’est ainsi.) Autour de l’étang, des façades élégantes, belles à vous couper le souffle.

Alors, quand on y a débouché, au détour d’une déambulation sans but, nous nous sommes immobilisés. Je crois même que nous sous sommes tus. Les façades reflétées dans l’eau, les arbres jaunes et rouges derrière les façades, les montagnes derrière les arbres, il ne m’en aurait pas fallu beaucoup plus pour que mon cœur s’arrêtât et que je m’arrêtasse là, moi aussi, pour de bon.  

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