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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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1 janvier 2006 7 01 /01 /janvier /2006 11:40

Le matin du premier jour de l’an nouveau, le voyageur aime courir dans les rues d’une ville aimée. La bruine et le froid ne le font pas reculer, car il en a vu d'autres.

Parcours recommandé : courir jusqu’à la place Gulou, (d’où que vous veniez c’est tout droit.) De là, traverser la place de droite à gauche en gardant la Tour du tambour derrière vous. Traverser la route pour monter sur une colline qui vous fait face, suivez le chemin à petite foulée jusqu’à ce que vous aperceviez, à travers les branches d’arbres, la Pagode de Jiming Si, le Temple du Chant du Coq. Le grand mur que vous apercevrez, ce sont les remparts de la ville. Voilà, c’est l’itinéraire du jour. Après, libre à vous d’aller visiter le temple, histoire de donner un relief culturel ou religieux à votre jogging. Les plus sportifs pourront, après avoir longé le temple, passer sous les remparts par la Porte de la Libération et courir autour du lac Xuanwu ; ils pourront aussi continuer à courir et faire le tour de la ville et suivre le fleuve Yangzi jusqu’à épuisement, n’est-ce pas, les plus sportifs ont toute latitude pour courir autant qu’ils le désirent.

Le voyageur, sportif intermittent, aime se vêtir d’un pantalon de survêtement adidas, offert par son amoureuse à l’époque où il était sexy, et d’un pull de l’armée néerlandaise acheté sur un marché aux puces d’une banlieue parisienne, à une époque où il l’était déjà beaucoup moins. Heureux d’exsuder les surplus de matières néfastes qu’il a ingérées et fumées la veille, il regarde le temple depuis la route, adossé à la muraille Ming. Le vieux vendeur de billet vient à sa rencontre, mais le voyageur court sans argent, sans clé, sans téléphone, sans rien. Cinq minutes plus tard, le vieux vendeur se rapproche du voyageur et lui dit :

« Tu veux entrer voir ?

-Oui, je le veux. »

D’un geste, le vendeur le laisse passer. Le voyageur visite les petits temples étagés à flanc de colline, toujours sautillant comme un cabri bedonnant.

Au sommet, un restaurant végétarien dont la moins piquante des particularités n’est pas la publicité pour Marlboro à l’entrée. Nul doute qu’une filiale philanthropique du grand cigarettier américain ait participé aux donations nécessaires pour la restauration du temple, initiée en 1987. Du restaurant, belle vue sur les remparts et le lac Xuanwu.

Pour le voyageur, c’est le jour de l’an, mais pour les nankinois, c’est dimanche, jour de prière, de visite, de pèlerinage. Des queues de dix mètres se forment devant des temples abritant un Bouddha particulier, chacun attend son tour pour s’agenouiller quelques secondes devant la statue dorée. Beaucoup de nonnes, assez jeunes, parfois jolies, et rattrapées par la mode, car, avec leur crâne rasé, leurs chaussures en feutre, leur sourire coquin et leur téléphone portable, elles ressemblent à une colonie de Sinead O’Conor et autres chanteuses britanniques rangées des voitures.

Un homme chinois m’interpelle en anglais. Il me demande si je crois au bouddhisme ou si je ne fais que visiter.

 “- I believe, dis-je, that two and two are four and that four and four are eight, my good fellow.

 

- Sorry ?” dit le gentleman.

Je lui dis que je ne faisais que visiter. Lui est un bouddhiste, un vrai de vrai. Alors, je peux enfin poser une de mes questions d'ethnologue du dimanche : pourquoi ? Pourquoi le bouddhisme et pas le taoïsme ou l’islam ? Il dit que c’est une question compliquée. Qu’il prenne son temps et qu’il réponde. Ses parents étaient-ils bouddhistes ? Pas du tout, ses parents sont des communistes qui ne croient qu’au matérialisme dialectique. Alors quoi ? Il dit qu’il trouve ici "un cycle de la vie grâce auquel il peut devenir un homme meilleur." (Je cite de mémoire, mais je donne ma parole que c’était aussi abscons que cela.) Je n’en saurai pas plus, deux filles coréennes viennent me le chiper pour retourner dans le monde des hommes imparfaits. J'essaie de savoir pourquoi l'usage de la droite raison ne suffit pas, selon lui, a fonder une conduite digne d'un homme bon, mais les avantages reels des filles reelles ont raison de mes arguties. Je les suis à distance, pour contempler la chute de reins de la Coréenne de gauche et la chevelure de celle de droite.

Mon attention est vite déviée par les lancers de pièces d’argent dans une cloche placée au sommet d'une grosse cloche. La plupart des pèlerins ratent leur coup, dans la bonne humeur. D’autres femmes, (beaucoup de femmes sont bouddhistes, parmi les néo-bouddhistes, le voyageur se doit de garder cela en tête) prient avec ferveur, des bâtons d’encens à la main, la face tournée vers un temple. De temps en temps, elles se prennent une pièce d’argent dans la figure, car les échecs répétés des lanceurs en énervent quelques uns, qui les jettent sans ménagement. L’ambiance est bonne, familiale, dominicale. Des cars de touristes déversent des néo-bouddhistes hilares qui, des bâtons d’encens à la main, font des commentaires sur les fesses de la belle Coréenne qui, soit dit en passant, le trémousse sans discrétion.

A petites foulees, le voyageur redescendra des terrasses vertigineuses de Jiming si pour proceder a une serie d'assouplissements sur la muraille, ses meditations sur l'impermanence des choses etant quelque peu brouillees par des gargouillements venus directement du Dharma gastrique.

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