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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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28 février 2006 2 28 /02 /février /2006 00:00

Des milliers de Philippines étaient rassemblées sur Statue Square, le jour du passage à l’année du chien. Elles étaient venues assister au spectacle d’une de leur star nationale, un homme à la veste rose, au pantalon blanc, qui leur racontaient des blagues sur une scène. Elles le regardaient avec de la lumière dans les yeux, il devait être leur équivalent de Johnny Halliday, sauf qu’il ne chantait pas, qu’il parlait et que les femmes riaient, alors je pensais qu’il pouvait être un comique célèbre, un comique de charme pour femmes seules, un peu leur équivalent de Fernandel.

Pour moi, naturellement, le spectacle était surtout dans le public. Toutes ces femmes, entre vingt et quarante ans, en train de sourire, les mains jointes, je me croyais rendu au Paradis.

Parfois, des occidentaux passaient dans la foule, ils dépassaient d’une ou deux têtes la masse des chevelures noires et lisses.

                                                 

N’étant pas complètement stupide, je devinai que l’homme était en fait un prêcheur, une superstar de la parole religieuse, qui parlait tantôt en anglais, tantôt en philippin. Ils leur parlait de Dieu et de ce que Dieu voulait. Il parlait de ce que ces femmes voulaient entendre parler : espérance en une vie meilleure, amour de soi-même et amour du prochain, prospérité sur terre et béatification, émigration au Canada et pays natal, tout y passait. Il recommandait aux femmes de prendre conscience de la beauté de la vie et de clamer « Dieu que c’est beau ! » Il rythmait son discours de cette exclamation : « It’s beautiful ! » que les femmes disaient en même temps que lui, toutes frémissantes et pendues à ses lèvres. Il leur recommandait de se sourire dans un miroir, le matin, afin d’avoir affaire à une gentille personne au moins une fois par jour. Puis il faisait varier les exclamations de : « It’s beautiful ! » vers : « I’m beautiful » et les femmes riaient en joignant les mains. Il leur disait qu’elles méritaient la prospérité ici et maintenant, que Dieu voulait qu’elles possédassent de belles bagnoles et de belles maisons. Il leur disait que si elles buvaient un verre de temps en temps, « pour vous sentir un peu (mot philippin imprononçable) », il ne fallait pas qu’elles se culpabilisent. Il parlait de robes, de boyfriends, et témoignait d’un esprit libéral qui faisait se trémousser toutes ces belles créatures, ferventes sans bigoterie.

Deux femmes portaient une pancarte qui souhaitait la bienvenue au prédicateur par ces mots :

WELCOME Bro MIKE

 

EL SHADDAI SALAMAT

 

SA TAGUMPAY

 

METRO MLA.GRP

 

 

                                                           

Tout incroyant qu’il peut être, le voyageur ne pouvait quitter ce lieu plein de joie et de beauté physique. De tous côtés, de jolis visages. Il nageait dans une mer de sourires radieux. On aurait dit qu’elles étaient toutes sœurs, ou demi-sœurs, trois mille filles venues fêter un anniversaire ou venues célébrer l’amour de leur père charismatique et polygame.

Je m’éloignais du côté de la banque de Shanghai, construite par Sir Norman Foster, mais le chemin était rempli de Philippines, assises sur des nappes, des morceaux de cartons, et discutaient, ou pic niquaient. Au-delà de l’onde sonore des paroles de Brother Mike, les Philippines continuaient leur sauterie. Elles étaient toutes descendues des belles maisons, sur a montagne, où elles sont employées, pour envahir le centre ville de leur présence chaleureuse. Plus loin, c’est tout le hall de la Banque de Shanghai qu’elles ont pris d’assaut. Ont –elles choisi ce lieu pour ce qu’il offre de protection contre le soleil et la pluie, ou pour ce qu’il symbolise de bonheur terrestre et matériel ? Je ne fais aucune interview, je regarde et me perds dans cette houle de femmes seules qui font des concours de chansons, qui brodent, qui lisent des romans à l’eau de rose. Elles ôtent leurs chaussures et elles rigolent entre copines.

                                       

Tous les week-ends, même lorsque Brother Mike ne vient pas leur rendre visite, elles occupent l’espace et le remplissent de leur espoir et de leur énergie. Ce fut une des plus belles images de l’île de Hong Kong, durant mon séjour.

 

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