Je passe de projets complexes et ambitieux à des plans de livres simples, limpides. Après avoir abandonné l’idée d’une correspondance à la Joyce, je me suis dirigé vers une construction élémentaire. Cinq chapitres, cinq femmes. Quatre amoureuses et la mère du narrateur. En plaçant « ma mère » au centre, cela faisait une symétrie parfaite, architecturale.
I- Petite Biche
II- Hirondelle
III- Ma mère
IV- Flore
V- Mademoiselle Fleuve
Je voyais dans cette structure un cadre hiératique qui était comme les murs d’un jardin chinois. A l’intérieur de chaque chapitre, les textes étaient fragmentaires, vivants et débordants. Ils n’avaient pas à respecter outre mesure, ni à se conformer à la rigueur de la structure. Je comparais ce séquençage à la rythmique autoritaire du Sacre du printemps de Stravinsky, autorisant et même permettant une liberté de ton, une légèreté difficile à faire tenir toute seule.
J’imaginais des fragments de pensées et d’émotions qui pouvaient passer d’un chapitre à l’autre, comme des filles nues et joyeuses qui courent d’une pièce à une autre, mais qui ne seraient ni nues ni joyeuses si elles n’étaient pas à l’abri dans une maison close et bien construites. Le chapitre central, en revanche, consacré à la mère, trônait au centre du jardin, dans un pavillon aménagé à cet effet, et faisait un contrepoint de sagesse à l’agitation des quatre autres.
Ainsi, par petites touches, le livre donnait à voir un territoire, une ville et une population, mais avec quelques femmes en premier plan.