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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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17 avril 2006 1 17 /04 /avril /2006 05:07

L’autre jour, Sigismond sortait de sa caverne et vint boire un coup. Il était démoralisé, ses longues lectures de classiques chinois l’avaient lessivé et il n’en voyait pas le bout. Il se sentait inutile et sans ressort.

Il venait de passer deux heures sur une phrase. Il n’avait pas compris cette phrase à cause d’un caractère qu’il croyait connaître mais dont il découvrit un sens nouveau dans un vieux dictionnaire. Il disait : « Est-ce que ça vaut la peine de passer deux heures là-dessus ? Ne serait-ce pas plus raisonnable de jeter mes livres et mes dictionnaires et de courir la gueuse ? »

Comme je suis aussi un peu son alter ego, je lui donnais des conseils. Je diagnostiquai que son malaise venait de ce qu’il lisait et traduisait au hasard et que cela manquait de direction, voire d’incarnation. Je m’explique. Moi, cela me plaisait bien, qu’il lise des nuits entières et qu’il ne produise rien, ça m’arrangeait presque. Je me faisais de lui une image stéréotypée d’intellectuel tourmenté. Un savant, dans sa tour d’ivoire, surnageant dans un océan de culture. Je trouvais cela très romantique, mais honnêtement, il lui fallait autre chose. Pour que l’océan de culture reste océanique et ne se transforme pas en chaos stérile, il lui était nécessaire de s’investir dans un projet concret, afin qu’il oriente ses lectures. Dans le cadre d’une production écrite, que ce soit un essai, une fiction, des poèmes ou une traduction, les heures passées sur une seule phrase étaient immédiatement légitimées par le fait que, grâce à elles, Sigismond atteignait un but, ces heures n’étaient donc plus perdues, mais elles avaient un sens. Je lui disais depuis longtemps qu’il devrait se lancer dans une traduction digne de ce nom, ou une retraduction, au risque de prêter le flanc à la critique.

Fidèle à mon principe baroque de « décision pour autrui », je lui soumets des projets d’ouvrages grandioses et lui promets la gloire s’il suit mon idée. Il m’écoute avec un visage de marbre, se caresse la moustache et accueille mes propositions d’un grommellement peu expressif, un signe de consentement qui se trouve être le degré zéro de l’acquiescement et du désaccord.

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