L'autre jour, j'ai passé quelques heures à deviser avec un jeune prof de l'université de Nankin, un garçon très civil. Il n'avait pas d'ouvrage de Gao Xingjian en chinois, puisqu'il est interdit dans le pays. Il ne connaît son oeuvre qu'en langue française.
Pourquoi est-il interdit, lui demandé-je ? C'est une question que je me pose, puisque la révolution culturelle est critiquée publiquement depuis l'époque de Deng Xiaoping. Dans ses livres, Gao ne critique pas le régime actuel et ne me paraît pas plus subversif que bien des écrivains d'aujourd'hui coulant une existence paisible à Nankin.
Cela tient au fait, me répond-il, que Gao procède à un monologue intérieur, qu'il cherche à dévoiler l'intérieur des consciences, et que cela fâche. Rester factuel, critiquer, commenter les décisions politiques, les mouvements de masses, passe encore. Fouiller les âmes et chercher la vérité des individus, au risque de faire perdre la face (ce qui est aussi redouté que de la perdre soi-même), c'est inacceptable.
Je ne doute pas quil y ait eu des raisons politiques, « concrètes », à léviction de Gao, mais l'explication de ce jeune intellectuel est bien séduisante.