Le trajet en bus de Daocheng à Chengdu est une des plus belles choses que l’on puisse faire en bus. Les paysages sont si variés que chaque fois qu’on se réveille on se croit dans un pays différent. Pourtant, les brinquebalements dus au mauvais état de la route interdisent de dormir plus d’une demi-heure d’affilée. Des steppes parsemées de gros rochers magmatiques comme en Aubrac, mais un Aubrac sorti d’un rêve d’explorateur. Des vallées profondes, si profondes qu’en se penchant par la fenêtre on ne voit pas le fond. Des yacks qui pâturent, des tentes de bergers et, quand on s’éloigne à pied de quelques heures, des maisons en pierre regroupées en hameaux, baignés dans la fumée odorante d’un feu de bois incessant. A d'autres endroits, les imposantes maisons tibétaines, majestueuses, lourdes, parfois décorées autour des fenêtres, souvent fraîchement rénovées, cubiques mais rêveuses. Les maisons tibétaines sont un vrai charme dans le paysage. On se demande qui les habite, ce doit être des notables locaux.
Plus on se rapproche de Chengdu, plus la végétation verdoie et se multiplie. Avec la grisaille qui réapparaît, (on descend jusqu’à 500 mètres d’altitude) on se retrouve en territoire tropical. Le voyageur se dit que l’humanité, ici, n’a pu faire autrement que de développer une solide mélancolie, insinuante comme les racines du banian, tenace comme la mousse verte, verte, une mélancolie verte.