C’est peut-être moi qui suis insensible à la poésie, mas je trouve les poèmes chinois contemporains terriblement chiants. De bonnes idées y côtoient des banalités, dites avec un sérieux assommant.
J’aime la nature
Mais non le trop taillé
On se demande ce qui les pousse à écrire.
Le jeune poète taciturne Zhu Zhu commente le poème Aubergine qu’il a choisi dans un recueil du poète hongkongais présent en face de lui : « L’aubergine est quelque chose qu’on peut tenir dans sa main pour traverser le labyrinthe de la littérature. » Heureusement pour lui que la Chine est à la mode en Europe. S’il était français, anglais ou allemand, jamais on ne lui donnerait la parole, on l’enverrait cultiver des aubergines dans son jardin.
Quand le poète hongkongais lisait, toute la salle se poilait, ma photographe me dit qu’ils ne comprenaient rien à ce qu’il disait à cause de son accent. L’interprète, d’ailleurs, nous traduisait ses paroles avec un sourire et en nous prévenant : « Bon, je vais vous dire ce que je crois avoir compris. » Lui, plus que tous les autres, ici, était seul, enfermé dans une langue risible, le cantonnais, et un anglais à couper au couteau. Pour lui aussi, la « rencontre littéraire » a dû se solder par une incompréhension fondamentale, une mise en coprésence de plusieurs autismes.