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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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15 juillet 2005 5 15 /07 /juillet /2005 00:00

Je me retrouve seul à l'auberge de Zhongdian, Mimique continue le périple comme prévu sur la feuille de route. La vie de convalescent a du bon, on ne se sent tenu de rien, on flotte un peu.

Ce matin, ma promenade m'a mené au temple Gui Shan Da Fou, perché sur une colline qui surplombe la vieille ville. Pas trop certain de savoir si c'etait ouvert au public ou non, j'ai un peu hesité. L'entrée est gardée par des vieux civils, portant chapeau et fumant, qui vous toisent. L'un d'eux m'a fait payer un billet d'entrée et m' a rendu la monnaie de maniere tellement baroque que j'ai pensé qu'il ne devait pas y avoir beaucoup de touristes à roder dans les parages. De fait, ce temple n'est pas décrit dans les guides touristiques. De plus, une végétation peu entretenue, des herbes folles rendent le paysage bucolique. C'est, bien sûr, moins eloquent et moins grandiloquent que les temples connus, mais le charme qui s'en dgage est plus fort, peut-etre plus religieux. Un gigantesque Bouddha trone au milieu du batiment principal, arborant sa mine patibulaire enguirlandee de tissus de toutes sortes. Des animaux bizarre, une sorte de poisson monstrueux decorent les toits.
Un moine unique faisait les cents pas en chantant des choses spirituelles. Il derobait des billets de 1 yuan dans les corbeilles à offrande, en faisait des tas, toujours d'un air devot, et se les fourrait dans la manche sans cesser de chanter. Même voler les fidèles devait avoir les dehors de la plus profonde spiritualité. Après tout, il ne faisait rien de mal. Il ne faisait que rendre à Cesar ce qui appartenait à Cesar, et, de toute façon, peut-on penser que les donateurs aient un doute quant à la destination concrete, seculaire, de leur argent ?

Je me suis perdu dans de longues absences face à des statues sans grâce. La fièvre a cela de bon qu'elle installe le corps dans une torpeur propice à la contemplation. On peut rester des minutes entières hébété, absorbé par un detail, sans aucune idee en tête. Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour que je dise que la fièvre est une des voie de la méditation.

A côté du temple, un moulin a prière grand comme vingt fois la taille d'un Tibétain. A son pied, ils sont une quinzaine de fideles à le faire tourner. Les vieilles femmes sont habillées admirablement, de leur plus beau tablier multicolore, des pieds à la tête elles sont chatoyantes.  D'autres viennent les relayer et elles taillent des bavettes, comme au marché. Des jeunes sont là aussi, des collégiennes récitent leurs prières en poussant le moulin avant de se comporter en adolescentes délurées .

C'est là qu'accroupi le plus discrètement possible, je me suis perdu dans une nouvelle méditation fiévreuse, enchanté de voir ces gens se comporter comme s'il n'y avait aucun étranger qui les regardait. Petit a petit, je me suis senti devenir imperceptible.

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14 juillet 2005 4 14 /07 /juillet /2005 00:00

Le médicament dit "pour guérir plus vite" a fait son effet. Une belle fatigue généralisée. Je n'accompagne pas Mimique visiter des sites pittoresques en voiture. Je reste à l'auberge, bercé par les gestes des filles qui travaillent. Elles semblent ne jamais s'arrêter, ou alors quand je dors. J'aime la lenteur de leur corps, elles font tout avec une assurance, une absence du moindre doute qui m'enchantent, leur manière d'utiliser l'eau, la transvasant d'un seau à l'autre.

De toute la journée, j'aurai traîné de mon lit à la cour ou je prenais le soleil. A part une petite promenade ce matin dans la vieille ville, je n'aurai vu cette région qu'à travers un microcosme dont je sais que je garderai un souvenir tres agréable.

Bizarrement, le seul livre que je lis est un récit de guerre. Ceux de 14, de Maurice Genevoix, que j'ai trouvé sur une étagère dans un café de Lijiang. Je n'avais pas beaucoup de choix, mais je ne le regrette pas : le style direct de son écriture, décrivant jour après jour la galère des tranchées, donne un éclat balsamique aux  joies arrachées, ainsi qu'aux beautés de la nature. De lire ce que vivaient les poilus, franchement, rien de tel pour alléger votre peine.

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13 juillet 2005 3 13 /07 /juillet /2005 00:00

Partir dans des villages lointains et tomber malade, on peut dire que c'est la poisse.
Pourtant, bizarrement, je me sens assez bien, assez content. Les lieux où je loge ne sont pas étrangers à cela. Aujourd'hui, après cinq heures de bus à travers des montagnes et des vallées, on est arriveés à Zhongdian.
Nous avons téléphoné à une auberge mentionnée dans le Routard ou le Lonely Planet, et dont Mimique avait entendu parler. La femme du patron vint nous chercher à la gare routière en voiture, comme des clients de marque, nous qui ne dormons que pour vingt yuans par nuit (deux euros), cette fois dans une chambre spacieuse, propre, avec deux lits assez durs.
Le cadre est magnifique. Un bâtiment en forme de cloître traditionnel, une cour intérieure charmante, remplie de verdure laissée à elle-meme. De ma chambre, par la porte ouverte, je contemple les montagnes qui dépassent les toits de l'auberge. Je pourrais rester là un mois, au bas mot. Le personnel est composé de deux ou trois Tibétaines tres gentilles, âgées de vingt à trente ans. Pour dix yuans, elles nous ont fait un dîner succulent, que je n'ai pu apprécier à sa juste valeur à cause de la fièvre et de ma gorge brûlante. On a mangé en leur compagnie, comme une petite famille. L'une d'elle chante admirablement des airs tibétains qui résonnent dans les chambres, elle a ce visage rond et les joue rouge tels qu'on imagine les Tibétains.
J'ai assisté, en faisant ma toilette, à cet événement exquis qu'est son lavage de cheveux. Une belle vision de soie noire qui, sur un mètre, ondule et tombe en cascade. Sa voix est très douce, elle demande de mes nouvelles chaque fois qu'elle me croise.

Mimique aussi est aux petits soins avec moi. Il ne cesse de me demander si ce n'est pas une "maladie des montagnes". Les gens du Jiangsu sont si peu habitués à la montagne qu'ils pensent qu'être à trois mille mètres d'altitude est dangereux pour la santé. Ce soir, il est revenu de sa promenade nocturne avec un médicament occidental (appelé Gan Kang, curieux nom pour un produit occidental, mais qui contient du paracétamol, ce qui n'est pas sans me rappeler une chanson de Catatonia)  "pour guérir plus vite", dit-il. J'en ai avalé deux tablettes pour guérir encore plus vite.

Lui-même, ce matin, consommait des pilules. "C'est un médicament pour l'été... Pour calmer le feu intérieur." Cela ne s'invente pas : c'était de la poudre de serpent et de tortue. Depuis, je fais mon capricieux : moi aussi je veux manger de la poudre de serpent, ou de yak, ou d'oiseau rapace.

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12 juillet 2005 2 12 /07 /juillet /2005 00:00

Un peu malade, je profite du bon air de l'Himalaya, au pied duquel se situe Lijiang. C'est beau mais c'est tellement touristique qu'il n'est pas une maison qui n'abrite un commerce sous une forme ou sous une autre. Il reste au voyageur deux options : monter sur une hauteur pour contempler les toits, sur fonds de montagnes grandioses ; et rester a l'auberge. Pour quinze yuans, c'est-a-dire un euro cinquante, vous dormirez paisiblement en compagnie de charmants Chinois, respectueux du sommeil d'autrui, vous offrant une aide medicamenteuse, autant traditionnelle qu'occidentale, s'ils vous voient en mauvaise forme. Moi, je prends tout, sans discrimination, des tisanes infectes au gout d'argile jusqu'aux comprimés de vitamines effervescents.

Si le voyageur connait un regain de forme, si sa fievre recule, alors il ira se promener dans les rues du sud de la vieille ville, moins touristique, et il se perdra dans les ruelles, comme a Venise. Il pensera souvent a Venise, d'ailleurs, pour la presence de canaux et pour le ruissellement de details architecturaux qu'il percevra en levant le nez. Les toits, en particulier, sont une source d'enchantement inepuisable. Finalement, Lijiang est une destination ou il est bon de rester quelques jours. Meme y etre malade n'est pas desagreable.

Il pleut depuis plusieurs jours et c'est sous ce climat que nous partons aujourd'hui en vadrouille, avec quelques filles qui partageront les frais, en voiture (et avec chauffeur, je n'ai plus la force de discuter) voir quelques sites "magnifiques" (au dire de Mimique, qui tient cela d'un tel ou d'une telle.) Dans deux jours, nous devrions atteindre Zhongdian, et nous serons vraiment haut, et vraiment proche du Tibet.

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12 juillet 2005 2 12 /07 /juillet /2005 00:00

On pourrait gloser beaucoup sur la musique traditionnelle de la minorité qui peuple cette région, les Naxi. On pourrait gloser, c’est certain, et sur quoi ne pourrait-on pas gloser ? Une musique vieille de mille ans et qui s’est conservée par extraordinaire. Tous les soirs, pour un billet assez cher, toute chose égale par ailleurs, on peut entendre un concert donné par un orchestre d’authentiques vieillards utilisant d’antiques instruments, tout cela sous la férule du fondateur, Xuan Ke, un homme de grande envergure grâce à qui le groupe existe, ainsi que la salle de concert et l’intérêt national et international que cette musique inspire. Cet homme parle avant et après chaque morceau, explique les paroles, refait l’histoire sous l’angle des peuples opprimés, raconte des histoires, fait rire le public, (fait son show, disons-le) et c’en est interminable. Pendant ses longues périodes, quelques vieux de l’orchestre ferment les yeux dans une grimace qui semble dire : “Tais-toi, mais tais-toi donc.”(Je connais bien cette mimique pour l’avoir souvent observée sur le visage de mes interlocuteurs.) Sur les murs, des portraits de lui, à la sortie, des caricatures de lui photocopiées et distribuées au public. Cela pourrait être pénible, mais il faut prendre cet individu pour un héros transgressif. Sa vie entière a été consacrée à la conservation et au développement d’une musique extraordinaire, et pour cela il lui sera beaucoup pardonné.

 

La musique elle-même est très audible. Quand l’orchestre joue à l’unisson, la prédominance des cordes rend le tout très mélodique et même un peu mélancolique, inspirée par le cafard que ressent le berger himmalayen à l’approche de l’hiver (ou celui que lui inspire la tendre puissance d'un yak). Soudain, un immense tambour fait rouler un orage, une kyrielle de cymbales au merveilleux son de casseroles font régner une panique, une accélération éprouvante toujours accompagnées par la douceur des cithares (guzheng et autres qing), unissant des contraires dans un désordre sonore maîtrisé. De nombreux moments font penser à de la musique contemporaine européenne, en particulier à Incise de Pierre Boulez qui, si je me souviens bien, propose un mélange de percussions variées, pierreuses, métalliques, et de plusieurs harpes.

 

Le chef charismatique, lui, fermait les yeux, frappait parfois sur une grosse grenouille en bois (celle qu’on voit dans les temples bouddhiques et taoïstes) et dirigeait bel et bien son orchestre, sans le regarder ou très peu, par d’infimes gestes et une entente avec ses musiciens qui dépasse la relation professionnelle puisqu’ils n’ont jamais joué et ne joueront jamais dans un autre lieu – cette salle et ce groupe sont la seule opportunité pour eux d’exercer leur art! Quelques jeunes apparaissent aujourd’hui, chanteurs, joueuses de cithares, pour remplacer les musiciens trépassés, mais on peut se demander ce qu’il adviendra de l’orchestre quand Xuan Ke mourra.

 

 

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11 juillet 2005 1 11 /07 /juillet /2005 00:00

En voyage, vous ne verrez jamais Mimique le nez dans un guide. Et pour cause, il semble n’en pas avoir, même s’il m’avait dit qu’il en avait apporté un. Il n’a pas non plus de carte, de plan, ni de sens inné de l’orientation. Il se débrouille avec son téléphone portable. Arrivé à Lijiang, il demande au taxi de nous déposer en un endroit précis. Là, il me demande mon téléphone  car il veut prévenir le propriétaire de l’hôtel de notre arrivée. A cinq heures et demie du matin, c’est un peu tôt, je lui propose de nous promener et de manger d’abord. Et puis nous pourrons toujours demander aux gens dans les rues. Il le fait mais cela n’aboutit pas, les gens ne connaissent pas l’hôtel, lorsqu’ils entendent l’accent nankinois de Mimique. Il me faudra du temps pour comprendre qu’en fait il n’a pas l’adresse de l’hôtel, qu’il doit seulement téléphoner en arrivant au commisériat. Lorsque nous arrivons à destination, nous nous apercevons qu’il ne connaissait pas non plus le nom de l’hôtel, qui est en fait une auberge de jeunesse au nom facile : Lijiang Youth Hostel. Une confiance aveugle aux techniques de communication et aux recommendations d'amis qui me rend perplexe.

 

 

Le lendemain, un Chinois veut nous convaincre de louer ses services de chauffeur pour aller visiter des sites choisis. Mimique est conquis. Pourtant le coût est rébarbatif, mais le chauffeur affirme qu’il n’y a pas d’autres possibilités pour accéder aux dits sites. Je jette un oeil à mon guide, à des guides anglais présents dans l’auberge, tous concordent pour dire que nous pourrions tout faire en bus.

 

 

Mimique me dit qu’il ne faut pas croire que les gens nous mentent tout le temps et qu’il ne faut pas croire systématiquement les guides touristiques.

 

 

Je ne sais si cela révèle une belle confiance dans le genre humain, ou s’il s’agit d’une crédulité enfantine qui le pousse à croire sur parole le moindre inconnu qui en veut à sa bourse.  

 

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11 juillet 2005 1 11 /07 /juillet /2005 00:00

La manager de l’auberge est une jeune femme très petite et bien balancée qui, juchée sur ses semelles compensées, passe son temps à chanter et à dansouiller mollement. Elle parle mollement, aussi, avec un accent traînant très reconnaissable quand on l’entend depuis le dortoir.

Je ne sais combien coûterait le service de la faire venir à son chevet pour vous lire une histoire.

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10 juillet 2005 7 10 /07 /juillet /2005 00:00

La première impression du Yunnan a été la difference de faciès des gens. Moins chinois, plus birman, si j’ose dire, ou vietnamien.

Un  bus de nuit nous a menés, Mimique et moi, de Kunming à Lijiang. (Ce n’est pas inconfortable du tout, ces bus, si on a la chance de dormir sur la couchette pour laquelle on a effectivement payé, et que des mères de famille sans scrupules ne les ont pas investies sans le moindre souci de justice. C’est encore plus confortable quand on n’est pas plus grand que la moyenne des Chinois.)
On s’est retrouvé aux places les moins désirées du lieu, coincées au milieu d’une banquette de cinq personnes et qui en contenait six.
Avant de dormir, serrés les uns contre les autres, Mimique me dit, de sa voix riante : “C’est la première fois que je dors si proche d’un étranger.”
L’
étranger, c’est moi bien sûr, pas l’inconnu qui lui ronflait en pleine figure.

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