La chaîne de télévision consacrée au sport essaie de créer des héros. Avec peu de matière, ils produisent des reportages interminables. Le plus caractéristique était ce joueur de football, nommé Hao Haidong, recruté au club anglais de Sheffield United. On le voit sous toutes les coutures, porter à la main le maillot blanc et rouge, frappé de son nom et du numéro 39. Il va se présenter devant les spectateurs anglais qui l'applaudissent car les Anglais ont un a priori très positif pour tout ce qui touche aux couleurs de leur club. Pas mal d'entre eux se marrent aussi, car ils ont une autre forme d'a priori pour les Chinois. On voit de nombreuses personnes interviewées, des Anglais qui ne savent pas exactement à quel poste il est censé jouer, des Chinois qui savent tout de lui. En particulier, on se déplace chez cet autre Chinois de la Premier league, un fantôme de Manchester City qui ne joue que des matches amicaux. C'est la partie la plus émouvante du reportage : une ambiance familiale, une petite dizaine de Chinois dans un intérieur très modeste et exigu d'une banlieue anglaise aux briques rouges, les futurs vedettes internationales entourés de gamins encombrants, de femmes, de beaux-frères ; il y a encore du chemin avant d'atteindre le glamour des Beckham.
Pas une fois, en revanche, Hao ne porte le maillot de Sheffield, à plus forte raison ne joue un quelconque match, et même ne frappe le moindre ballon. C'est à peine si on le voit trottiner, en marge de ses coéquipiers qui ne lui adressent pas la parole.
