Je distingue maintenant les voix des Tibétaines qui travaillent à l'auberge. Quand elles chantent, je sais laquelle chante quoi. Il y en a une troisième, d'ailleurs, mais qui n'est pas tibétaine, qui siffle souvent La vie en rose, et qui la chante en faisant la la la. Je suis sûr qu'elle sait que c'est francais, et elle le fait pour faire plaisir aux deux Francais du lieu, l'étudiant en ethnologie et moi. Mais je peux me tromper.
Quand elles se parlent, elles parlent en tibetain. C'est une langue tres agréable à l'oreille, qui fait penser lointainement au turc. Là aussi, je dis peut-être une énormité.
Je ne rate jamais une occasion de discuter avec la plus jeune des Tibétaines, dont les manières et la voix m'émerveillent. Elle me demande : c'est loin la France ? Oui, c'est très loin. C'est plus loin que Pékin ? Oui, c'est encore plus loin. Il n'y a pas de mot pour décrire le regard, silencieux, avec lequel elle m'a regardé.