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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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19 mars 2006 7 19 /03 /mars /2006 00:00

Vu les documentaires de Louis Malle, en vente dans les bacs de dvd. Une plongée dans une ville de l’Amérique profonde, ses fermiers, ses forces de l’ordre, ses tracas et ses joies. Louis Malle parle au gens tout en filmant. Les rares célibataires qu’il interviewe ont l’air de s’ennuyer pas mal. Les questions auxquelles ils doivent répondre tournent toujours autour de leur statut marital. On dirait que c’est une maladie, de ne pas être marié, une tare.

La question embarrassante est posée à une fille un peu rebelle : « Le sexe, c’est important pour vous ? » Que répondre à cela, en général, Américaine ou non, mariée ou célibataire ? Elle s’embrouille un peu dans sa réponse et finit par lâcher, dans un rictus : « Oui, je suppose que c’est important. »

Pourquoi n’avoir pas posé la même question aux gens mariés ? A cette famille de fermiers, par exemple, qui tirait, comme tout le monde, le diable par la queue ? Pour ne pas les gêner, ou parce qu’on les imagine avoir une vie sexuelle épanouie, au milieu de leurs chiards et des remboursements de crédits ?

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18 mars 2006 6 18 /03 /mars /2006 00:00

Il suffit de laisser sa bicyclette deux jours au repos. Vous la retrouvez couverte de poussière. Où va toute cette poussière ? On la nettoie, on la repousse, mais elle ne disparaît pas.

Quelques millimètres se déposent en une semaine à peine. Peut-on imaginer qu’en l’an 2500, je dis n’importe quoi, Nankin soit rehaussée d’une dizaine de mètres ? Ou alors est-ce que la poussière a toujours été là, et que son volume total n’augmente pas particulièrement ?

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17 mars 2006 5 17 /03 /mars /2006 00:00

Je continue de voir ma belle collegue, de loin en loin. Nous nous téléphonons et fixons des rendez-vous pour des dîners romantiques. Je me tire à quatre épingles et la bouffe des yeux pendant deux heures. Après, je la raccompagne chez elle, en gardant sa main dans la mienne quand elle a envie d’avoir un contact avec moi.

Ses grains de beauté ont disparu, mais ils ont laissé place à une série de crevasses sur le visage. Quinze petits trous qu’elle craint ne jamais voir se cicatriser. Elle est désespérée, elle raconte l’accident dans le détail, comment la chirurgienne se décharge de toute responsabilité, d’autant plus facilement que mon amie a signé un papier, avant l’opération, qui prévoit une possibilité d’erreur. La clinique lui a fait une faveur, prétend la chirurgienne, en utilisant pour elle une « machine importée ».

« -Mais je n’ai jamais demandé une machine importée ! Une machine chinoise aurait aussi bien fait l’affaire. »

Je dis qu’elle est désespérée, mais elle ne le montre pas. Je suppose qu’elle est désespérée, compte tenu de l’attention qu’elle porte à son apparence physique. Face à moi, elle garde son calme olympien, son sourire et son charme.

De mon point de vue, cet accident facial ne la défigure pas, ne la fait pas rétrograder dans l’échelle des beautés nankinoises, mais elle peine à changer de sujet de conversation. Et quand elle change de sujet, elle y revient souvent. Surtout qu’un malheur ne venant jamais seul, son coiffeur lui a bousillé les cheveux, pendant les fêtes du nouvel an. Elle porte maintenant les cheveux courts, avec une frange qui balaie son front. Un nouveau look qui lui donne des airs de trentenaire entreprenante.

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16 mars 2006 4 16 /03 /mars /2006 00:00

Cette fille qui dansait le tango avec une de ses amies, je n’ai jamais su le nom chinois, alors dans ma tête, je l’appelle la danseuse de tango. Je l’ai approchée pour la féliciter de sa performance explosive et irrésistible. Elle m’a à peine regardé et m’a dit : « je vois ce que tu veux dire », avant de tourner les talons, qu’elle avait fins et distingués.

J’ai pensé : cette fille n’aime pas qu’on la complimente sur son physique. Elle doit préférer séduire grâce à sa sensibilité ou quelque chose comme ça. La prochaine fois que je la vois, je lui dirai que ses yeux sont grands comme le lac Xuanwu.

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15 mars 2006 3 15 /03 /mars /2006 11:10

Ce livre, Lettre à une jeune fille, etc., que je critique par ailleurs, comporte une qualité de taille. Les poèmes y sont écrits en chinois, puis en écriture phonétique, puis en traduction mot à mot. Après quoi, des commentaires intéressants sont donnés sur certains idéogrammes. On apprend, par exemple que le chinois classique était monosyllabique, que le verbe savoir s’y écrit Zhi, alors que le chinois moderne dit Zhi dao. Que le verbe Wang a le sens de « regarder au loin », ce qu’on retrouve aujourd’hui dans le verbe Xi Wang, « espérer ». Ces explications, pour modestes qu’elles soient, aident le voyageur à retenir le poème et, par ricochet socioculturel, à crâner, à briller et à séduire temporairement de jeunes ingénues.

Enfin, viennent différentes traductions littéraires du poème. Pimpaneau les a choisi en vertu de leur célébrité, je suppose, et du fait qu’elles représentent chacune une époque particulière.  Le voyageur mesure alors la difficulté de l’acte de traduire. Il voit combien les traductions changent de siècle à siècle, et combien la tâche du traducteur est vaine, combien il est seul au monde, condamné à être sempiternellement critiqué, car son travail est nécessairement imparfait. Combien il lui est substantiellement impossible de composer un bon texte français. Le nombre des traductions assurent le lecteur du sens global du poème, et lui indique les glissements sémantiques possibles, les non-dits. Pimpaneau le met donc en position de juger en connaissance de cause, et surtout, lui donne la possibilité de créer lui-même sa propre traduction.

Et pour tout cela, pour faire partager la solitude du traducteur, de l’interprète, et celle du poète, il sera beaucoup pardonné à Jacques Pimpaneau.

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14 mars 2006 2 14 /03 /mars /2006 00:00

Une phrase pourrait suffire à discréditer entièrement son auteur. Ainsi, Jacques Pimpaneau se permet un incroyable commentaire à propos d’un célèbre poème de Li Bai : « Dans un poème si court, Ming yue et Tou sont répétés deux fois : les Chinois n’ont pas la même aversion que nous pour les répétitions, mais c’est quand même une faiblesse de ce poème. » in Lettre à une jeune fille qui voudrait partir en Chine, (Picquier ed.)

Les mots me manquent pour décrire ce que je ressens face à ce jugement lapidaire, surtout venant de quelqu’un qui connaît très bien le chinois classique et qui est sincèrement touché par la grâce des poèmes Tang.

Voici le poème, en écriture phonétique :

 

Jing ye si

 

 

Chuang qian ming yue guang

 

Yi shi di shang shuang

 

Ju tou wang ming yue

 

Di tou si gu-xiang

 

 

La traduction, forcément imparfaite et toujours au bord de la vanité, fait immédiatement saisir, je crois, la beauté de la répétition des mots tou (tête) et ming yue (lumière lune).

 

 

Devant le lit, au clair de lune

 

Au sol, serait-ce du givre ?

 

Lever la tête, regarder le clair de lune

 

Baisser la tête, penser au pays natal

 

 

Il va sans dire que c’est beau en chinois, et un peu ridicule en français, (et ce, quelle que soit la traduction.) Tous les traducteurs ont cherché à couvrir la répétition de « clair de lune », et certains, dont François Cheng, ont même escamoté la répétition du mot « tête » (Cheng a préféré : « Je lève la tête » / « Je baisse les yeux ».) Je ne dirais pas que c’est un scandale, mais enfin, je me permettrai d’avancer qu’ils sont emmerdants, parfois, ces traducteurs. La répétition n’est-elle pas un procédé poétique connu et reconnu, en France et en Europe ? Pensons à Verlaine, à Apollinaire, à Péguy… Et qu’on ne vienne pas me dire que cela n’a rien à voir ! Cela a parfaitement à voir. Li Bai procède à des reprises de mots et de rimes pour jouer sur la musique simple et poignante d’une berceuse. Le voyageur berce de doux chants son cœur qui s’oublie, tout comme un enfant. Je dis berceuse, mais je pourrais dire ritournelle : n’est-ce pas le propre de la ritournelle de faire revenir, retourner les mêmes mots et les mêmes lignes mélodiques ? A mon avis, c’est le moyen le plus efficace que Li Bai ait trouvé pour communiquer la mélancolie qui prend le voyageur quand il pense à son pays. De la pudeur, peu de mots, la lune et le givre, l’illusion du givre due à la lumière de la lune, la tête qui se lève, la tête qui se baisse, silence.

 

Si j’étais un éditeur chez Picquier, j’exigerais de Pimpaneau qu’il écrive un livre pour se justifier de cette seule phrase : « c’est quand même une faiblesse de ce poème. »

 

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13 mars 2006 1 13 /03 /mars /2006 00:00

Des milliers de personnes se sont dirigées, en ma compagnie, vers le lieu de la parade du nouvel an. Je ne voulais pas manquer la parade, même si une voix intérieure me disait que cela me ferait de la peine.

Je suivais le flot de Chinois sur les passerelles. Nous traversions des immeubles, des banques, des centres commerciaux. Au milieu d’une passerelle, je me suis arrêté pour regarder une jolie tour, en face de moi. Combien faudrait-il de temps pour y entrer ? Je jetais un œil sur les passerelles, à droite et à gauche, qui survolaient les rues. A vol d’oiseau, quinze à trente secondes seraient suffisantes, à pied sur les passerelles, il faudrait compter une petite heure. A hauteur des voitures, la difficulté de traverser les rues rendrait la tour quasiment inaccessible.

Dans un centre commercial, je pus me rendre compte que les Chinois étaient aussi perdus que moi. Des groupes empruntaient des escaliers un peu au hasard. Je suivais tel groupe, puis tel autre, sans succès. Il arriva que je n’eus plus aucune idée de la manière de m’y prendre pour sortir de cette tour où je déambulais, longeant les boutiques closes. Nous étions tous dans la même situation. Les groupes égarés demandaient le chemin à d’autres groupes égarés. On tournait tous en rond, là était la vérité.

Quand je parvins à m’extirper de la tour, la parade allait démarrer. Je m’engageai dans le flot d’une foule qui me semblait la plus déterminée. J’aime que les gens soient résolus, cela rassure mon côté cartésien, caché au fond de moi. C’est donc avec résolution que nous prîmes place derrière des barrières, et que nous attendîmes. Les mouvements de populations ne cessaient jamais, certains s’éloignaient de nous, d’autres nous rejoignaient dans une calme confusion. Moi aussi je changeais de rues et de barrières, jusqu’à ce que je comprenne que le défilé ne passerait pas par les rues où j’attendais. Les barrières avaient dû être posées là pour faire diversion. Les membres du service d’ordre faisaient la circulation dans l’intention manifeste de maintenir la foule dans un mouvement continu, d’éviter les caillots et les frustrations de spectateurs amers d’entendre la musique du défilé sans en voir le moindre costume.

Fatigué, je m’assis sur un trottoir et lus quelques articles d’un journal qui traînait là. Il y avait des photos du défilé, prises la veille, lors d’une répétition. Je décidai de ne plus lutter contre la fatalité, et m’engageai sur une passerelle dont j’espérais seulement qu’elle me mène vers mon Ferry. Elle ne le fit pas, mais elle m’offrit une vue partielle d’un groupe, à l’effigie de Disneyland, qui prenait sa part à la fête hongkongaise.

 

 

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12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 00:00

Le temple a été reconstruit récemment. Comme d’autres bâtiments, comme la cabane de Du Fu à Chengdu, il a été détruit souvent et souvent reconstruit. Les Chinois sont moins des bâtisseurs que des reconstructeurs. Détruire constamment leur permet de mettre en œuvre leurs prodigieuses capacités d’imitation et de répétition.

Le temple est en hauteur et est battu par les vents. Les gens de la région le connaissent surtout pour les prophéties et divinations qu’on vient entendre. Léa, la petite amie de Serge, y a déjà pris connaissance de son avenir : tout était mauvais, le boulot, l’amour, tout était promis à un échec retentissant. Heureusement qu’on ne croit à ces choses-là que lorsque cela nous arrange.

Le brouillard était d’une densité rare. Dans une cour, où je ne voyais que le contour d’un petit kiosque, je crus voir une forme humaine, ou un fantôme, partir obliquement vers la montagne.

                                                    

Dans la première cour centrale, les visiteurs achètent de gros bâtons d’encens, l’allument dans la salle des bougies, où les gens pleurent à cause de la fumée, prient devant une pagode et jettent leur encens dans une grande chaudière sacrée. De la fenêtre de la chaudière, le voyageur se réchauffe à la belle lumière du feu qui, si le voyageur vivait au Moyen âge, se confondrait, à ses yeux, avec l’enfer.

                                         

Plus poignants encore sont les laïques qui apprennent à prier aux nouveaux venus. Bien emmitouflés, ils guident les nouveaux fidèles du geste et de la voix. Ils assurent la relève et la survie d’un rituel que les gens ont oublié, à moins qu’il n’y ait des gestes spécifiques aux lieux mêmes de Mao shan.

                                                         

Dans les temples en enfilade commencent les files d’attente pour se faire lire l’avenir. Comme dans certaines administrations, on fait patienter les clients en les dirigeants vers plusieurs fonctionnaires qui remplissent divers papiers, ce qui a pour effet de donner l’illusion d’agir et de réduire le stress. Ici, le fidèle a affaire à deux bureaux, où officient des moines aux chapeaux pleins de dignité. Au bureau de droite, le fidèle paie vingt yuans, puis tire au hasard un bâtonnet dans un bocal en bois. Le moine regarde le bâtonnet et donne à la place une feuille de papier correspondant. Le visiteur lit, médite, et fait la queue au bureau de gauche pour qu’un autre moine lui donne une interprétation plus compréhensible, et peut-être plus personnelle, de cette prophétie éditée en milliers d’exemplaires. Le moine herméneute s’aide d’un stylo bille et fait son travail avec enthousiaste. Il est entouré d’une foule captivée qui rit à ses plaisanteries. Il est, à l’évidence, la star bonimenteuse de la foire taoïste. (Ceci n’est pas une moquerie gratuite, les abords des temples ont toujours été des lieux de foires, de spectacles ambulants et de marchés.)

                                   

Le moine de droite, en revanche, est atrabilaire et râle quand je le prends en photo. Son rôle n’est pas très prestigieux, il est vrai, d’autant moins que personne ne lui demande d’utiliser ses beaux pinceaux.

                                                       

Non loin, la statue du Dieu Xuanwu présente au public un doigt d’honneur. Le voyageur, s’il provenait directement des banlieues françaises, se tiendrait les côtes, assurément.

En sortant du dernier temple, j’avais perdu Serge. Le brouillard était tel que j’évitais de calculer mes chances de le retrouver. Lui-même était peut-être aussi à ma recherche et nous pouvions tourner dans le temple des jours, ainsi, sans résultats. J’allai dans une galerie couverte qui donnait sur la montagne ; imprégnée par la brume, la solitude qu’on y ressentait était froide et endormante. Un esprit imaginatif, influencé par l’atmosphère ésotérique du lieu, aurait eu de la peine à ne pas se voir transformer en fantôme étranger, en divinité moderne condamnée à errer dans les travées et les pavillons. 

                                                         

Rien ne me disait que je serais en mesure de rentrer à Nankin ce jour-là, ni jamais.

 

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11 mars 2006 6 11 /03 /mars /2006 07:12

Après une nuit à l’hôtel de Mao Shan, une nuit où nous nous sommes fait rouler par le personnel qui, au sous-sol, organise les bains et les massages, nous avons emprunté un chemin dans les bois pour atteindre le temple taoïste. Le temps était frais et la forêt de bambous, sans être inhospitalière, s’est peu à peu avérée être dense et rudement pentue. Il arriva que nous devions nous aider des bambous pour frayer notre chemin, et que mon manteau se couvrit de traînées vertes et brunes. Nous avancions dans le silence et l’incertitude.

                                                           

Nous ne pouvions pas être perdu ; monter au sommet nous apporterait la réponse, quelle que soit la question. Soudain, nous vîmes des détritus par terre. C’était la première fois que des déchets me remplissaient de joie : ils étaient la preuve d’une présence humaine. D’autres que moi, plus cyniques et moins humanistes, diraient que le pot de yaourt, le sac plastique et la bouteille de coke sont les éléments les plus distinctifs entre l’homme et le sanglier. Nous suivions avec joie ces signes d’une surconsommation absurde et dégoulinante. Plus les déchets s’accumulaient, plus notre certitude augmentait de rejoindre la civilisation. A quelques pas au-dessus de nous, un couple de Chinois nous regardait sans commentaire. Ils devaient nous prendre pour des sauvages. Nous-mêmes, interdits dans notre course par la présence tangible d’homos sapiens sapiens qui, on ne sait jamais, avaient peut-être aussi jeté négligemment leur paquet de chips dans la forêt de bambous, nous les considérions du regard. Nous étions quatre, deux européens et deux Chinois, et nous nous jaugions. Etions-nous plutôt ennemis ou plutôt amis dans la circonstance ? Nous commentions la couleur de leur peau et leur accoutrement ; ils restaient silencieux et attendaient vraisemblablement notre prochain mouvement. Nous continuâmes notre marche en leur direction, ce qui les fit déguerpir.

Nous longeâmes le mur de l’enceinte du temple et arrivâmes à une entrée, où des étals vendaient des bibelots. Un homme, habillé en moine, proposait de lire l’avenir. C’était gratuit, il suffisait d’entrer dans une guérite et de tirer au sort je ne sais quelle carte. Serge y alla, tira au sort, et l’homme sortit une feuille pliée qui correspondait à la carte de Serge. Une ou deux petites phrases qui indiquaient que irait pour le mieux dans la mesure du possible. Le moine, ou le moine putatif, car un proverbe fameux recommande de se méfier des habits de moine, le moine précisa que c’était un très bon avenir, très bon. Serge remercia et donna quelques sous. Non seulement le moine ne refusa pas, mais il était outré.

« Si peu ?

-Comment ça si peu, dit Serge. Ne m’as-tu pas dit que c’était gratuit ?

-Oui, mais regarde l’avenir que je t’ai donné.

-Tu n’as fait que lire l’avenir, tu n’es pas responsable du fait que j’ai ou non un bel avenir.

-Mais regarde, regarde le bel avenir. Et regarde ce que tu donnes ? 

-Il faudrait savoir si tu influences l’avenir ou si tu interprètes seulement. 

-Comment peut-on interpréter sans influencer ! »

Il fallait partir, cette séance de divination sentait le souffre. Le froid brouillard nous poussa violemment sur les portes d’entrée.

 

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9 mars 2006 4 09 /03 /mars /2006 00:00

Une étudiante m’a écrit un email l’autre jour pour me prévenir que c’était la fête des prunus, sur la montagne Pourpre et Or, et ce jusqu’autour du vingt mars.

           

Le prunus est une des quatre plantes les plus importantes de la peinture chinoise. Généralement, quatre tableaux vont ensemble, peints dans le même style et forment une série consistante. Il s’agit du bambou, de l’orchidée, du chrysanthème et de la fleur de prunus. Elles ont un sens immédiatement repérable par les Chinois, mais ardu à communiquer. Chaque plante symbolise plus ou moins les valeurs ou les vertus de l’homme de bien, ou du lettré. Je n’ai pas de certitude à ce sujet, pour avoir eu des réponses divergentes, selon que j’interrogeais des étudiants ou des adultes, des hommes ou des femmes, des lettrés ou des philistins.

   

En tout état de cause, les Chinois aiment les pruniers, et les pruniers le leur rendent bien. Une promenade, à travers un parc, en est recouverte. Sans être Chinois, ni connaisseur en botanique, et à moins d’avoir le cœur froid ou des peaux de saucisson devant les yeux, on peut passer une bonne heure sur cette promenade, avec pour seuls spectacles les fleurs et les arbres. Début mars, ils sont ravissants, leurs couleurs seules peuvent émouvoir le voyageur qui, pourtant, n’est pas né de la dernière pluie. Chaque prunier varie de teinte et de ton. Et se promener  est une cure de jouvence.

Les enfants et les filles quittent les chemins et vont rôder autour des troncs et des branches. L’amour des arbres et des fleurs est palpable chez ces gens. Des milliers de nankinois sont venus ici, pendant deux jours, pour nulle autre raison que pour célébrer le renouveau, le refleurissement, la beauté et le sens du prunus. Y a-t-il un équivalent, chez nous, d’une plante qu’on vénère ?

           

On se photographie devant les arbres en fleurs. Ne doutons pas qu’il y ait là aussi une manière de se porter chance. Ici, tout est potentiellement un porte-bonheur.

Bien sûr, les râleurs verront dans ce défilé permanent de visiteurs un esprit grégaire hypertrophié, ils diront que les Chinois, décidément, ont répondu à un mot d’ordre et vont célébrer les prunus tel jour, plutôt que de suivre un instinct individuel et proprement esthétique. Les râleurs, vous savez comme ils sont. Le voyageur retiendra la joie des enfants, la joie des jeunes couples et l’amour de la population pour les fêtes et les célébrations.

Le voyageur restera stupéfié par l’amour simple et profond pour les fleurs. Tout pugnace qu’il est dans la négociation commerciale, le Chinois reste un être touché par les fleurs. Si on le savait plus, si on gardait cela à l’esprit, peut-être que les négociations s’aplaniraient.

 

 

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