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  • : Nankin en douce
  • : Des mini reportages sur la vie et les gens de la "capitale du sud". En marges de l'actualité brûlante pour faire découvrir une Chine tantôt drôle, tantôt poignante.
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10 janvier 2006 2 10 /01 /janvier /2006 00:00

La rue Wangfu Jie, dans le quartier de Xinjiekou, est réputée pour ses restaurants. Il y en a un qui garde le souvenir de Mao, qui se nomme « La maison de Mao », un restaurant Hong Kongais, un très bon restaurant japonais, un pékinois, un mongol, bref il y a tout ce qu’on veut, et de bonne qualité.

Avec Serge, j’ai choisi l’autre jour le restaurant « musulman », des spécialités du Xingjiang. Les serveurs portent des calottes très belles, très colorées. Une jeune femme n’avait pas d’uniforme et se baladait, elle devait être la patronne, ou la fille, ou la femme du patron. Son visage appartenait à l’Asie centrale, des yeux soulignés de noir qui étincelaient. Elle se savait observée par moi et, pour attirer davantage l’attention de Serge, fit des mouvements de danse. Vers la fin du repas, ses amies entrèrent au restaurant. Après quelques salamalecs, des gestes plus tendres eurent lieu entre copines. La rouquine, une Turco-Mongole, ouvrit les pans de la veste de la jeune patronnesse et y introduisit ses bras pour l’enlacer. Leur visage se touchait presque, les autres copines trouvaient cela naturel. Elles se dégagèrent doucement, et c’est une autre copine qui s’approcha de la même Ouighour pour l’embrasser sur la bouche. Moi, qu’il est très difficile de couper quand je parle, je fus réduit au silence et à la contemplation rêveuse. Serge prétendait qu’elles s’exhibaient, que leur spectacle nous était destiné. Je pensais que cela était bien la réflexion d’un homme qui a l’habitude d’être regardé par les femmes. Vous avez du mal à y croire quand, depuis l’adolescence, il vous a toujours fallu raconter cinq ou six histoires drôles pour qu’une fille se souvienne de votre nom.

Je fus convaincu que mon ami était dans le vrai quand nous sortîmes du restaurant. Notre passage le long du bar de l’entrée fut salué par deux ou trois baisers sur la bouche de ces filles en goguette. Je m’arrêtai quelques secondes pour regarder les lèvres en gros plan. Si j’avais su l’idiome de cette jeune musulmane aux yeux de braise, je lui aurais demandé la permission de me joindre à elle(s), mais je fus poussé par Serge. Sur nos vélos, tandis que nous nous égarions dans les ruelles en face de la mosquée, il me fit considérer une chose : les musulmanes rouquines, bien sûr, personne n’y est indifférent, mais valent-elles le risque de se faire planter un coup de couteau par un frère, un père ou un mari kazakh ?

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9 janvier 2006 1 09 /01 /janvier /2006 00:00

Les Chinois on besoin de femmes. Urgemment. 60 millions d’hommes condamnés au célibat, vous vous rendez compte.


L’histoire nous apprend ce qui se passe quand un pays manque de femmes. Les Romains, quand ils s’installèrent dans le Latium, invitèrent leurs voisins, les Sabins, ils organisèrent en leur honneur une énorme fête, les firent boire, puis kidnappèrent leurs femmes. Poussin en a fait un tableau célèbre, L’enlèvement des Sabines.


Que vont faire les Chinois ? Je lance des hypothèses. Ils vont se battre contre les Coréens car ils aiment les femmes coréennes. Ils vont chercher aussi du côté des pays musulmans d’Asie centrale (s'ils sont polygames, ce dont je ne suis pas certain. S'ils ne le sont pas, alors les Chinois iront jusqu'au Moyen-Orient.)


Enfin, il faudra trouver des solutions non conventionnelles. Inventer un nouveau pacte matrimonial, qui permette d’imaginer une femme avec plusieurs hommes. Passage de la polygamie à la polyandrie. Retour de l’amour courtois où plusieurs hommes luttent pour conquérir le coeur d’une seule Dame.


Femmes qui abritez des pulsions dominatrices, venez en Chine créer votre harem.


 

 

 

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8 janvier 2006 7 08 /01 /janvier /2006 00:00

Grégoire est un jeune Français qui se déplace toujours avec lassitude. Il travaillait dans le service comptabilité d’une entreprise française implantée à Nankin, et fréquentait indifféremment des enseignants, des étudiants, des ingénieurs ou des noceurs. J’étais impressionné par son aptitude à ne juger personne : même les petits cons de la pire espèce, même les artistes et philosophes les plus ennuyeux avaient leur place dans ses réseaux de connaissances.

Il habitait dans un grand appartement avec un balcon donnant sur le lac Sans Souci. Il y organisait des soirées, de temps en temps, où tout le monde était accueilli avec simplicité. Il n’avait pas cette ambition d’être aimé de tous, ce contact empressé qu’ont parfois les gens qui ont une vision marketing des relations humaines. Il ne serrait pas les mains, ne prétendait pas s’intéresser à ce que vous disiez avant d’être happé par une autre conversation et d’autres mains à serrer. Il ne faisait pas la cour, il était trop las pour cela. Il espérait seulement que l’ambiance décolle, et qu’elle l’emporte, lui aussi, un peu loin, l’espace d’une soirée.

Il a aujourd’hui quitté Nankin et a créé sa compagnie d’import-export à Shanghai. Il travaillait à ce projet depuis plus d’un an avec un associé resté en France, puis il a démissionné et s’est mis à son compte. Il s’est trouvé un duplex à Shanghai, a recruté une jeune Chinoise francophone pour assistante, et il bosse comme il peut, à tâtons. Il vient de signer ses deux premiers contrats.

Cette aventure, beaucoup de jeunes occidentaux veulent la tenter, celle de se faire une place juteuse dans l’immense marché chinois. C’est une aventure périlleuse, on s’y casse les dents, on y dépose des bilans, on y perd des plumes, on y égare son âme. Grégoire est prévenu de tout cela, il est prudent et ne s’enflamme pas. Il raconte, quand il a le temps, les étapes de cette aventure, sur un blog que je l’ai encouragé à créer. Je sentais chez lui une attirance pour la lecture et l’écriture, mais il avait besoin d’un prétexte pour actualiser cette tendance. Le prétexte est tout trouvé : témoigner d’une expérience que des millions de jeunes vont vouloir tenter, et, par la même occasion, faire connaître son entreprise sur internet par ce biais narratif.

Vous lirez cette histoire sur http://entrepreneur-a-shanghai.over-blog.com

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7 janvier 2006 6 07 /01 /janvier /2006 00:00

Au musée municipal de Zhenjiang, j’ai trouvé mon maître. Une peinture s’impose au voyageur comme un mystère, une énigme. Imaginez un rouleau long de six ou mètres et haut de trente centimètres. Le peintre a d’abord placé la blancheur, le vide. Il a ensuite habité le vide, avec des fleurs isolées, des fragments de paysages. Une montagne, ressemblant à un nuage, sur lequel repose un oiseau trapu qui regarde le monde d’un air moqueur. Une fleur qui est peut-être une orchidée, une branche d’arbre qui pourrait être une grappe de raisin.

Devant le rouleau, Léa appelle Serge :

 « Qu’est-ce que c’est, Serge ? »

- Tu vois, ce sont des études, des esquisses. »

                    

 

 

 Quand j’arrive devant le rouleau, à mon tour, je pose la même question à Serge. Serge est un peu celui qui sait. C’est la personne ressource pour tout ce qui tourne autour de la culture et de la langue chinoises.

« Eh bien, dit-il, tu vois, c’est… Ce sont des… C’est Badashanren, quoi. »

Tout est dit. Ce ne sont pas des esquisses, mais une œuvre qui n’a pas de finalité précise, ni celle de décorer, ni celle de signifier. Elle dégage d’emblée une force qui cloue le voyageur, ou plutôt qui lui fait faire des allers-retours sur sa longueur, puis qui le fait marcher ailleurs, le fait regarder d’autres rouleaux, d’autres paysages pour y revenir et admettre qu’on ne peut pas comprendre qu’une telle chose existe. 

                          

Un peintre de la transition entre la dynastie Ming et la dynastie Qing. De son vrai nom Zhu Da, il était fils d’une famille de notables sous les Ming et ne reconnut jamais les Qing comme légitimes. On parle à son propos de nationalisme car les Qing n’étaient pas chinois. Badashanren faisait partie des nombreux lettrés qui ont résisté. Il refusait de coopérer avec les nouveaux dirigeants et écrivit sur la porte de sa maison : MUET. Il ne parla plus et communiquait par gestes. Il devint moine. Il allait de monastère en monastère et il eut des dizaines de disciples. Il peignait sans plus obéir à aucune convention esthétique pour s’éloigner de toute production officielle. Il agissait et peignait comme un fou. Il pleurait et riait et criait dans la nature, autour des temples du Jiangxi. Ses rires et ses pleurs, il les exprimait dans sa peinture, dans ces oiseaux goguenards, ses poissons qui volent dans le ciel, dans ces fleurs menaçantes. Il les exprimait dans sa signature : quatre idéogrammes qui signifient « l’homme des huit grandes montagnes », et qu’il entrelaçaient pour leur donner l’apparence d’autres idéogrammes signifiant « rire » et « pleurer ». Puis vint le temps où il ne fut plus capable ni de rire, ni de pleurer, mais seulement de peindre.

Ses dernières calligraphies, ses poèmes, donnent à penser qu’il jouait un jeu. En 1682, il écrivit :

Il y a un hôte à la porte de Yuzhang

Je feins d’être fou et parle aux hirondelles qui volent

Mais quelle différence y a-t-il entre feindre la folie et être fou ? Peut-on devenir fou volontairement, pour échapper à l’emprise du pouvoir ?

 

 

                                                    

 

 

 

 

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6 janvier 2006 5 06 /01 /janvier /2006 00:00

La notion de centre n’est pas claire, en Chine. D’autant moins qu’elle est présente partout, à commencer par son nom : Zhongguo, le pays du centre, l’empire du milieu, le royaume au cœur de l’univers.

Le centre, le milieu, le cœur.

Le cœur d’un problème, c’est son point central, autour duquel tournent et se ramifient les autres éléments du problème. Or le cœur n’est pas au centre du corps. Et dans la cité, le cœur politique n’est pas au centre géographique de la ville. A Nankin, le Palais impérial Ming était à l’ouest. Quand Nankin est redevenue capitale, en 1911, Sun Yat Sen installa le palais présidentiel à l’ouest, non loin des ruines de l’ancien palais impérial.

A Pékin, la Cité Interdite est au centre aujourd’hui, mais à l’époque des Liao, quand Pékin s’appelait Nanjing, ou Yanjing, le palais impérial était au sud ouest de l’enceinte. A l’époque des Yuan (les Mongols), quand Pékin s’appelait Khanbalik, ou Dadu, il était au sud. Sous les Ming, il était au centre, mais, à la faveur de la construction d’une « ville chinoise » au sud, il se retrouva au nord de l’ensemble de la ville sous les Qing.

Voyez : on a agrandi la ville, au XVIème siècle, uniquement au sud, non tout autour, preuve que le fait d’être au centre de l’espace n’est pas vu, en Chine, comme un avantage.

 

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5 janvier 2006 4 05 /01 /janvier /2006 00:00

Voici donc une liste des choses à faire que le voyageur mettra sur son agenda, une liste dont l’ordre repose sur la quantité de vie qui irrigue chacune de ses entrées.

 

1- Opéra

 

2- Jardins

3- Architecture

4- Musées

5- Murailles et remparts

 

Aller de l’humain vers la pierre, de l’intérieur vers l’extérieur, du centre vers la périphérie. Bien entendu, il ne s’agit pas de suivre cette liste selon un ordre chronologique. On peut préférer un art de la visite qui s’apparente à l’encerclement et à la circonvolution vers le centre. Pour prendre Nankin comme exemple, on peut imaginer une arrivée dans la ville par le fleuve, en bateau, de là tourner autour de la ville dans le sens des aiguilles d’une montre en suivant les remparts au nord jusqu’au Lac Xuanwu, au nord ouest, la Montagne Pourpre et Or, la Porte Zhongshan, le Musée municipal, descendre par la périphérie jusqu’au Temple de Confucius, au sud, et, doucement, par cercles concentriques, entrer dans les Jardins de l’ouest, ceux de la Tour de la Cloche, pour terminer au centre, la scène du Palais Chaotian.

Quoiqu’il en soit, visiter la Chine sans aller jusqu’au cœur chaleureux des voix et des gestes, visiter Nankin sans assister aux performances de la Troupe du Jiangsu, c’est manquer les diamants du trésor. C’est voir un cadavre exquis sans le sang qui lui redonne des couleurs vives. C’est comme aller à Venise sans voir la Basilique Saint-Marc, ou voir Saint-Marc sans écouter Gabrieli, visiter Paris sans le Marais, ou le Marais sans écouter Marin Marais. C’est comme visiter la France sans jamais entendre le roucoulement de la langue française.

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4 janvier 2006 3 04 /01 /janvier /2006 00:00

Heureux voyageurs qui posent leurs bagages à Nankin. Tous les vendredi et samedi soir, ils peuvent aller admirer une excellente troupe de chanteurs et d’acteurs de l’opéra traditionnel du Jiangsu. Quand ils ne sont pas en tournée, ils régalent l’assistance de morceaux choisis, dans une petite salle attenante au Palais Chaotian. Le voyageur y goûte un plaisir particulier, en plus de la délectation proprement esthétique : le plaisir de se sentir privilégié, d’être parmi les happy few autorisés à assister à ces performances (ce n’est qu’une sensation car, naturellement, tout le monde y est bienvenue.) Le voyageur a le loisir, pendant une heure et demie, de voir évoluer des artistes de très haut niveau s’exercer pour son bon plaisir, comme s’il était un membre de la famille impériale.

Car c’est un voyage dans le temps que le spectacle vous offre. Vous êtes transporté aux époques des dynasties des Ming et des Qing. Il n’est pas nécessaire de connaître l’histoire de la Chine pour l’apprécier, c’est en réalité le contraire qui se passe : c’est l’opéra lui-même, les voix des chanteurs, leurs gestes millimétrés, la grâce des femmes, l’ambiguïté des hommes, qui font comprendre l’histoire de la Chine au voyageur.

On pourrait dire, en ce cas, qu’assister à l’opéra kun est le complément idéal de la  visite des temples et des palais ; que c’est un accompagnement délicieux de la lecture des classiques ; que c’est une illustration magnifique des théâtres privés en plein air que se faisaient construire les aristocrates. Le voyageur garde à l’esprit ces théâtres de poche et, lorsqu’il voit et entend l’opéra, il est enfin en présence de ce qui s’y déroulait autrefois, il capte le son, les couleurs et les mouvements qui donnaient vie à ces choses qui, sans cela, restent figées comme des ruines. On pourrait dire cela et pourtant, encore une fois, je dirai que c’est le contraire qui est vrai : le plus important, le plus urgent à expérimenter en Chine, c’est l’opéra traditionnel, en complément de quoi il est essentiel de lire les classiques et de visiter les grands sites architecturaux, les jardins et les musées.

 

 

 

 

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3 janvier 2006 2 03 /01 /janvier /2006 00:00

En principe, l’idée qu’un homme me tripote me déplaît, c’est pourquoi je ne vais pas chez le coiffeur (en Chine, les filles massent la tête et shampooinent, les garçons coupent) et consulte un médecin si et seulement si j’encours un risque mortel.

Pour la dernière soirée de ma mère à Nankin, nous sommes allés nous faire masser les pieds. Pourquoi les pieds plutôt que le dos, l’ensemble du corps ou la tête ? Parce que les Chinois pensent que c’est meilleur : ils ont développé un système de correspondances entre les points du pied et les parties du corps, ainsi qu’un art du massage qui constitue une médecine préventive globale. Masser les pieds, c’est soigner l’ensemble des organes. Masser autre chose, c’est bon mais ça ne soigne que les parties massées, voilà comment je comprends les choses.

Nous sommes allés dans l’établissement de Hankou Xilu, près de l’université, un lundi soir. Beaucoup de Chinois vont se faire masser le vendredi ou le samedi soir. On comprend pourquoi, mais si le voyageur en a la possibilité, il lui sera plus profitable d’y aller en semaine. Les masseurs sont plus attentifs, ils prennent plus de temps, ils sont moins stressés et moins fatigués.

On nous installa dans un petit salon. Deux fauteuils nous attendaient. La mauvaise surprise arriva vite, un jeune homme m’était destiné, et les pieds de ma mère seraient choyés par une fille. Je ne dis rien pour ne blesser personne. Or, si j’en juge par l’effet qu’a eu ce massage, je dois bien reconnaître que ce garçon connaissait son affaire.

Il commença par me demander si j’avais des problèmes de sommeil. « Oui, on le saura que j’ai des problèmes de sommeil ! Je ne suis pas insomniaque, non plus. » Il ne fit pas d’autres commentaires. Il massait comme les autres, sauf qu’il ne faisait jamais mal, tout en appuyant profondément sur les points à masser ; c’était un bon professionnel.

Certains étrangers disent qu’après un massage, on sent des choses spéciales, qu’on marche sur un nuage, ou qu’au contraire le massage révèle des douleurs dissimulées par l’habitude. Rien de tout cela en ce qui me concerne. Simplement, je sors de l’institut avec l’impression agréable d’avoir les pieds propres. Pourquoi y retourner, me direz-vous ? Parce que je donne plusieurs chances à une pratique avant de la juger.

Cette nuit-là, je dormis comme un bébé et eut de la peine à me réveiller le lendemain. Un sommeil profond. Le jour suivant, à Shanghai, malgré l’énervement qui m’habitait, je dormis à nouveau très bien, d’un sommeil à la fois récupérateur et fragile. On dit qu’il ne faut pas se faire masser les pieds trop souvent, et c’est un fait que l’effet dure plusieurs jours. Nuit après nuit, je dormis différemment. Il y a beaucoup de formes de sommeils, et j’ai le sentiment que les massages de pieds vont m’en faire découvrir de nouvelles.

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2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 00:00

La musique française s’exporte bien, en Chine. On a déjà parlé de l’Hélène d’Hélène, je m’appelle Hélène, mais elle n’est pas seule. Un autre nom illustre des muses hexagonales est ici révéré à l’égal de Mozart et de Berlioz : Richard Clayderman.

Le goût profond des Chinois pour la musique sirupeuse a trouvé en ce divin blondinet un héros de rêve qui s’adresse au cœur de leur âme romantique, qui leur parle de jeunesse éternelle, de beauté évanescente, de vie idéale telle que les nouveaux riches veulent la vivre, cloîtrés dans des résidences de luxe gardées par des statues de Venus et de Jupiter.

Que dis-je, Mozart et Berlioz ? Clayderman est bien plus apprécié qu’eux. Mozart n’est toléré que dans les sonneries de téléphone, ou dans une chanson actuelle d’un groupe de jeunes filles qui se déhanchent en plaquant des paroles sur un remix de la symphonie n°7. Et Berlioz, n’en parlons pas, sa musique et son tempérament sont une insulte à l’idéal de douceur qui s’impose dans tous les lieux publics.

 

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1 janvier 2006 7 01 /01 /janvier /2006 11:40

Le matin du premier jour de l’an nouveau, le voyageur aime courir dans les rues d’une ville aimée. La bruine et le froid ne le font pas reculer, car il en a vu d'autres.

Parcours recommandé : courir jusqu’à la place Gulou, (d’où que vous veniez c’est tout droit.) De là, traverser la place de droite à gauche en gardant la Tour du tambour derrière vous. Traverser la route pour monter sur une colline qui vous fait face, suivez le chemin à petite foulée jusqu’à ce que vous aperceviez, à travers les branches d’arbres, la Pagode de Jiming Si, le Temple du Chant du Coq. Le grand mur que vous apercevrez, ce sont les remparts de la ville. Voilà, c’est l’itinéraire du jour. Après, libre à vous d’aller visiter le temple, histoire de donner un relief culturel ou religieux à votre jogging. Les plus sportifs pourront, après avoir longé le temple, passer sous les remparts par la Porte de la Libération et courir autour du lac Xuanwu ; ils pourront aussi continuer à courir et faire le tour de la ville et suivre le fleuve Yangzi jusqu’à épuisement, n’est-ce pas, les plus sportifs ont toute latitude pour courir autant qu’ils le désirent.

Le voyageur, sportif intermittent, aime se vêtir d’un pantalon de survêtement adidas, offert par son amoureuse à l’époque où il était sexy, et d’un pull de l’armée néerlandaise acheté sur un marché aux puces d’une banlieue parisienne, à une époque où il l’était déjà beaucoup moins. Heureux d’exsuder les surplus de matières néfastes qu’il a ingérées et fumées la veille, il regarde le temple depuis la route, adossé à la muraille Ming. Le vieux vendeur de billet vient à sa rencontre, mais le voyageur court sans argent, sans clé, sans téléphone, sans rien. Cinq minutes plus tard, le vieux vendeur se rapproche du voyageur et lui dit :

« Tu veux entrer voir ?

-Oui, je le veux. »

D’un geste, le vendeur le laisse passer. Le voyageur visite les petits temples étagés à flanc de colline, toujours sautillant comme un cabri bedonnant.

Au sommet, un restaurant végétarien dont la moins piquante des particularités n’est pas la publicité pour Marlboro à l’entrée. Nul doute qu’une filiale philanthropique du grand cigarettier américain ait participé aux donations nécessaires pour la restauration du temple, initiée en 1987. Du restaurant, belle vue sur les remparts et le lac Xuanwu.

Pour le voyageur, c’est le jour de l’an, mais pour les nankinois, c’est dimanche, jour de prière, de visite, de pèlerinage. Des queues de dix mètres se forment devant des temples abritant un Bouddha particulier, chacun attend son tour pour s’agenouiller quelques secondes devant la statue dorée. Beaucoup de nonnes, assez jeunes, parfois jolies, et rattrapées par la mode, car, avec leur crâne rasé, leurs chaussures en feutre, leur sourire coquin et leur téléphone portable, elles ressemblent à une colonie de Sinead O’Conor et autres chanteuses britanniques rangées des voitures.

Un homme chinois m’interpelle en anglais. Il me demande si je crois au bouddhisme ou si je ne fais que visiter.

 “- I believe, dis-je, that two and two are four and that four and four are eight, my good fellow.

 

- Sorry ?” dit le gentleman.

Je lui dis que je ne faisais que visiter. Lui est un bouddhiste, un vrai de vrai. Alors, je peux enfin poser une de mes questions d'ethnologue du dimanche : pourquoi ? Pourquoi le bouddhisme et pas le taoïsme ou l’islam ? Il dit que c’est une question compliquée. Qu’il prenne son temps et qu’il réponde. Ses parents étaient-ils bouddhistes ? Pas du tout, ses parents sont des communistes qui ne croient qu’au matérialisme dialectique. Alors quoi ? Il dit qu’il trouve ici "un cycle de la vie grâce auquel il peut devenir un homme meilleur." (Je cite de mémoire, mais je donne ma parole que c’était aussi abscons que cela.) Je n’en saurai pas plus, deux filles coréennes viennent me le chiper pour retourner dans le monde des hommes imparfaits. J'essaie de savoir pourquoi l'usage de la droite raison ne suffit pas, selon lui, a fonder une conduite digne d'un homme bon, mais les avantages reels des filles reelles ont raison de mes arguties. Je les suis à distance, pour contempler la chute de reins de la Coréenne de gauche et la chevelure de celle de droite.

Mon attention est vite déviée par les lancers de pièces d’argent dans une cloche placée au sommet d'une grosse cloche. La plupart des pèlerins ratent leur coup, dans la bonne humeur. D’autres femmes, (beaucoup de femmes sont bouddhistes, parmi les néo-bouddhistes, le voyageur se doit de garder cela en tête) prient avec ferveur, des bâtons d’encens à la main, la face tournée vers un temple. De temps en temps, elles se prennent une pièce d’argent dans la figure, car les échecs répétés des lanceurs en énervent quelques uns, qui les jettent sans ménagement. L’ambiance est bonne, familiale, dominicale. Des cars de touristes déversent des néo-bouddhistes hilares qui, des bâtons d’encens à la main, font des commentaires sur les fesses de la belle Coréenne qui, soit dit en passant, le trémousse sans discrétion.

A petites foulees, le voyageur redescendra des terrasses vertigineuses de Jiming si pour proceder a une serie d'assouplissements sur la muraille, ses meditations sur l'impermanence des choses etant quelque peu brouillees par des gargouillements venus directement du Dharma gastrique.

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